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Sur le chemin de la rédemption

Les doigts croches

Publié le 25 juillet 2009
© Alliance Vivafilm - Roy Dupuis, Paolo Noël et Claude Legault

Ken Scott pianotait sur son ordinateur portable dans un café quand il a entendu un groupe de criminels raconter comment ils désiraient changer de vie.
Six ans plus tard aboutit sur nos écrans Les doigts croches, long-métrage relatant l'épopée de cinq bandits sans envergure devant se taper les 839 kilomètres de la route de pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle, à titre d'acte de rédemption.

«Il y avait ces gars des Narcotiques anonymes qui étaient assis près de moi. Et il y avait tellement un contraste entre leur apparence - ils portaient des tatouages - et les blessures personnelles et profondes dont ils parlaient. Pour moi, il y avait là une base pour une bonne comédie dramatique», relate Scott, dont la copine a, à la même époque, avalé les 839 kilomètres de la route de Compostelle.

«C'est ainsi que j'ai connu le chemin et, pour moi, c'était vraiment l'endroit parfait pour illustrer le changement. Ça faisait une espèce de road movie à pied», confie celui qui a écrit les scénarios des films à succès La grande séduction et Maurice Richard .


TOUTE UNE PREMIÈRE

Les doigts croches est le premier film que réalise Ken Scott. Avec 33 jours de tournage en Argentine et un budget avoisinant cinq millions de dollars, disons que le Québécois ne s'est pas offert une balade dans le parc pour ses débuts.

«Le défi était grand. Scénariste et réalisateur ne sont pas des métiers similaires. Bien sûr, les deux demandent de raconter des histoires. La différence est que le scénariste invente l'histoire et le réalisateur la crée. On travaille avec le réel, avec des acteurs, des lieux de tournage», note celui qui a eu la main heureuse en réunissant une équipe d'acteurs toutes étoiles.

Ce n'est pas tout le monde, en effet, qui a la chance de compter sur Roy Dupuis, Patrice Robitaille, Claude Legault, Paolo Noël et Jean-Pierre Bergeron pour son baptême derrière la caméra.

«Ça faisait partie de la raison pour laquelle j'ai voulu réaliser ce film. J'ai fait une liste de gens avec qui j'avais envie de travailler en me disant que si je les avais pour une première réalisation, ça serait excitant. Et j'ai eu tout le monde que je voulais.»


BELLE ÉQUIPE

On le sent, Ken Scott a beaucoup aimé travailler avec ces acteurs chevronnés qui ont tous embarqué d'emblée dans son projet. «Je connaissais déjà Claude ainsi que Roy, qui avait joué dans Maurice Richard. Je connaissais un peu Patrice, mais j'ai découvert Jean-Pierre et Paolo, que je ne connaissais pas.

«Roy, poursuit-il, est un bloc d'authenticité. Patrice est un gars qui amène une détente agréable sur le plateau. Claude amène une générosité et un sens du comique. Jean-Pierre a quelque chose de singulier, de particulier. Pour ce qui est de Paolo, il a tellement un charisme naturel. Chacun amenait quelque chose de très fort», confie Scott, qui a découvert la ravissante Aure Atika, qui incarne l'amie de coeur de Roy Dupuis, lors d'un passage au Tokyo Film Festival.

«Pour ce personnage, ça me prenait quelqu'un qui était à l'aise avec le drame et la comédie. Et j'avais besoin d'une actrice avec un sourire qui tue. Quand j'ai fait le casting, j'ai tout de suite pensé que ce serait l'actrice dont j'avais besoin.»

CHANGER?

Et si on revient au thème du film, peut-on changer? La question fait sourire le réalisateur. «C'est impossible, impossible, impossible. À moins de mettre de très grands efforts. On peut faire des ajustements, mais on reste qui on est. Sans dévoiler le punch, je dirais que les gars du film ont changé à la hauteur de leur potentiel.»


Roy Dupuis: La capacité de changer

Si le réalisateur des Doigts croches émet de sérieuses réserves sur la capacité de l'humain à changer, son acteur principal se dit convaincu du contraire, se montrant du doigt comme preuve vivante.

Roy Dupuis, qui incarne Charles Favreau, cerveau d'un groupe de voleurs pas très futés, se rappelle comment il a tourné le dos à l'alcool et à la drogue, il y a maintenant quinze ans, et se dit que, oui, on peut changer.

«En plus, j'ai arrêté de fumer, il y a quatre mois. Je trouve ça facile. Il faut dire que j'ai arrêté de boire avant. Ça avait été plus difficile parce que ça demandait de changer de mode de vie. J'investissais beaucoup de temps et d'énergie dans les bars et les after hours. Après ça, il faut réapprendre à avoir du plaisir sans ça. C'est un peu plus complexe que d'arrêter de fumer», dit l'acteur, qui estime avoir pu s'en sortir parce qu'il a décidé de modifier ses habitudes pour les bonnes raisons.

«Il faut que tu changes pour toi et personne d'autre. Il faut que tu aies envie de le faire ainsi que la possibilité de t'en sortir. Quand tu viens d'un milieu défavorisé, ça peut être plus difficile de te sortir de là.»

«Quand j'ai arrêté de boire, je l'ai fait pour moi. J'avais le choix entre vivre et mourir. Je me suis dit que j'aimais vivre et je me suis arrangé pour rester en vie. Mais je n'ai pas de regrets d'être passé par où je suis passé. À un moment donné, ce n'était plus drôle. À la fin, je pouvais partir pendant quatre jours. Maintenant, je vais souvent puiser là-dedans, dans cette noirceur, pour nourrir les personnages que je dois jouer.» Qui plus est, Roy Dupuis affirme ne pas craindre du tout une rechute.

«Au niveau de l'alcool, je suis rendu à l'opposé. Quand je reçois à la maison, je vais ouvrir une bonne bouteille, y goûter, mais je ne finis pas mon verre. Je ne suis plus capable. Dès que je sens que ça m'engourdit, j'aime pas ça. J'ai peur de manquer quelque chose. Avant, j'aimais ça m'engourdir. Maintenant, ça me fait craindre de manquer un morceau de vie.»

Si l'acteur a effectué des changements draconiens dans sa vie, son personnage dans Les doigts croches n'est pas en reste, estime-t-il.

«C'est probablement celui qui change le plus parmi les cinq personnages. En bout de ligne, c'est lui qui finit par dire qu'il va finir le chemin. Il ne finit pas pour l'argent, ni pour personne d'autre, il n'a plus de femme, plus rien. Il le finit pour lui. C'est ça le message que mon personnage transporte.»


COMIQUE SANS ÊTRE CLOWN

De prime abord, associer le nom de Roy Dupuis à une comédie peut apparaître contre nature. Le principal intéressé affirme qu'il ne s'est pas posé la question, s'attardant surtout à la qualité du scénario qui lui a été présenté.

«De toute façon, c'est une comédie de situation. Ce n'est pas du Louis de Funès, du clown, de la commeddia delle arte. Ça n'a pas besoin d'être forcé», dit-il, rappelant le rôle qu'il a tenu dans Les États-Unis d'Albert , d'André Forcier.

«C'était un personnage plus léger, mais je n'ai jamais essayé de faire rire. Tu joues la situation. La rythmique du texte peut aider. Il faut juste que tu trouves l'authenticité là-dedans, rendre crédible le personnage.»


Claude Legault: Comme une grande famille

Claude Legault a vécu, avec le tournage des Doigts croches, «un beau trip de gang» en compagnie d'acteurs avec lesquels il n'avait encore jamais travaillé.

Qu'à cela ne tienne, Legault a rapidement noué de belles amitiés avec les Dupuis, Robitaille et compagnie. «Ç'a levé dès le voyage en avion avec Roy, que je connaissais vaguement. Ça faisait trois heures que nous étions partis et nous étions déjà fous comme de la merde dans l'avion. J'ai découvert un gars beaucoup plus drôle que je pensais.»

«Je me suis surtout amusé avec Roy et Patrice. Mais on a aussi eu de beaux moments avec Jean-Pierre, Paolo et sa femme. Il y a une belle chimie qui s'est créée. À la fin, il a fallu que je parte deux jours avant la fin parce que je devais revenir tourner Annie et ses hommes. Je n'ai pas pu être là pour célébrer la fin du tournage et ça m'a fait un peu chier», dit celui qui a donné vie à Conrad, un brigand pas toujours allumé.

«Conrad, c'est un petit garçon. Comme les autres. Ce sont cinq ti-culs qui viennent de quartiers pauvres. Ils sont leur seule famille. Conrad est content d'être avec eux. Seul, il est totalement démuni. Il n'a pas une grande intelligence, mais il le sait. Il est juste assez intelligent pour savoir qu'il ne l'est pas.»

Outre cette tournée de promotion pour Les doigts croches , Claude Legault n'a pris aucun autre engagement estival. Trois mois de repos. Un luxe qu'il ne s'était pas offert depuis dix-huit ans.

«J'ai décidé de dire non à quelques projets pour tirer la plogue. J'avais besoin de recharger les batteries. C'était nécessaire», affirme Legault, qui a néanmoins quelques projets en branle pour l'automne.

«J'ai cinq épisodes de terminés pour une série policière que j'écris avec Réal Bossé et Johanne Arsenault, et que je vais présenter à Radio-Canada. On attend leur réponse, en mars prochain, à savoir si on va en production. Je tourne un film à l'automne, Filière 13, que Patrick Huard réalise.»

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