
Ce qu'il faut pour vivre, le premier long métrage de fiction de Benoît Pilon, est une oeuvre d'une grande sensibilité. Il fait partie de ces films qui vous plongent au coeur d'une gamme d'émotions fragiles et intimes tout en livrant une belle réflexion sur nos appartenances culturelles.
En 1952, Tivii (Natar Ungalaak), atteint de tuberculose, est emmené à Québec par bateau depuis la Terre de Baffin (aujourd'hui le Nunavut) afin d'être soigné dans un sanatorium. Obligé de laisser sa famille derrière lui, il se retrouve bientôt seul dans le monde des Blancs, un univers qui lui est totalement inconnu. Incapable de communiquer et de s'y retrouver, il dépérit rapidement et se laisse mourir, jusqu'à ce que l'infirmière qui le soigne, Carole Sirois (Éveline Gélinas), lui présente Kaki (Paul-André Brasseur), un jeune Inuit qui lui redonne le goût de vivre.
Avec une telle histoire, il aurait été facile de tomber dans le misérabilisme ou de se lancer dans une critique de la religion catholique et des institutions de l'époque. L'action se concentre plutôt sur le choc provoqué par deux cultures qui se rencontrent et tentent de communier entre elles. C'est le jeune Kaki, bilingue, qui fera le pont entre ces deux cultures et conduira tranquillement Tivii sur le chemin de la guérison.
L'idée du film vient de Bernard Émond, qui a écrit le scénario quelques années avant qu'il ne soit confié à Benoît Pilon. Avec ses images posées, ses nombreux silences et ses enchaînements, Ce qu'il faut pour vivre n'est d'ailleurs pas sans rappeler les oeuvres du réalisateur de La Neuvaine et de Contre toute espérance. Ajoutez à cela la sensibilité particulière du réalisateur de Roger Toupin, épicier variété, gagnant du prix Jutra du meilleur documentaire en 2004, et vous obtenez une histoire originale et bien ficelée.
«Je m'intéresse au passage du temps et des saisons, à l'isolement d'un personnage par rapport à son entourage», confiait Benoît Pilon lors de la conférence de presse donnée le jour de la première au Festival des films du monde. C'est dans la façon de capter les expressions et les regards de Tivii que cette préoccupation prend tout son sens.
L'approche anthropologique du film est également intéressante. Bien que l'ensemble soit de facture dramatique, certaines scènes, par de simples contrastes culturels, sont hilarantes. Le public semblait d'ailleurs très réceptif à ces subtilités, passant aisément du silence absorbé aux éclats de rire bien sentis. Il faut aussi souligner le jeu exceptionnel de Natar Ungalaaq, précis et naturel, qui aide grandement à donner au film son caractère authentique et son charme unique.
Ceci dit, Ce qu'il faut pour vivre ne plaira peut-être pas à certains amateurs d'adrénaline ou de comédies légères. Le film demande au spectateur non averti de faire l'effort de se laisser atteindre par des images qui se déploient lentement et par des plans de caméra qui laissent toute la place à l'expression de l'intériorité des personnages.
Gageons néanmoins qu'il obtiendra tout le succès et la reconnaissance qu'il mérite.