
Les films Ce qu'il faut pour vivre et Borderline se sont partagé presque tous les plus prestigieux prix de la 11e Soirée des Jutra, dimanche soir, remportant respectivement trois et quatre trophées.
Le gala, dont les nominations avaient suscité la surprise et remis en question le mode de désignation des finalistes, a d'abord été à l'encontre de sa logique habituelle, puisque les Jutra du meilleur film et de la meilleure réalisation ont pour la première fois couronné deux productions différentes.
Le prix le plus convoité de la soirée, soit celui du meilleur film, a été décerné à Ce qu'il faut pour vivre, de Benoît Pilon. Nommé à cinq reprises, Ce qu'il faut pour vivre a également remporté les Jutra du meilleur scénario, soulignant le travail de Bernard Emond, avec la participation du réalisateur Benoît Pilon, ainsi que celui du meilleur acteur, récompensant l'Inuit Natar Ungalaaq.
«Je veux remercier tout le monde qui a participé à la création de ce film, qui est un formidable film pour les Canadiens et pour le Nunavut», a affirmé Natar Ungalaaq, en anglais.
Le film Borderline a quant à lui causé la surprise générale, de même que celle de sa réalisatrice, Lyne Charlebois, en remportant le Jutra de la meilleure réalisation. Au moment où la place des femmes dans ce domaine défraie les manchettes au Québec, Mme Charlebois est devenue la première femme dans l'histoire des prix Jutra à être récompensée dans cette catégorie.
«Je veux terminer en disant que je suis contente ce soir d'être une femme et de gagner ce prix-là, pour dire à toutes les autres femmes qui veulent faire ce métier-là, parce que ce n'est pas facile, que c'est possible», a-t-elle lancé, au terme de ses remerciements improvisés. «Je tombe des nues», a-t-elle d'ailleurs avoué d'entrée.
Le premier long métrage de Lyne Charlebois s'est aussi mérité deux prix récompensant ses actrices Angèle Coutu, nommée meilleure actrice de soutien, et Isabelle Blais, qui est repartie avec le Jutra de la meilleure actrice. La comédienne s'est notamment dite très heureuse qu'un film «d'auteur et authentique» ait trouvé preneur auprès du public québécois.
Borderline s'est enfin mérité le Jutra du meilleur montage, qui a été remis à Yvan Thibaudeau.
Du côté du meilleur acteur de soutien, le trophée a été attribué à Normand D'Amour, valant à Tout est parfait son seul prix de la soirée.
C'est pas moi, je le jure! a dû se contenter du Jutra de la meilleure direction de la photographie, malgré ses sept nominations.
Finalement, c'est l'oeuvre fantastique de Luc Picard Babine qui se sera mérité le plus grand nombre de trophées, lui qui avait récolté le plus grand nombre de nominations.
N'ayant remporté que le prix de la meilleure musique dimanche soir, le film a toutefois gagné quatre Jutra lors du gala hors d'ondes des prix techniques jeudi, soit ceux de la meilleure direction artistique, du meilleur son, du meilleur maquillage et des meilleurs costumes. Lors du même gala, le dernier film de Léa Pool, Maman est chez le coiffeur, s'est mérité le prix de la meilleure coiffure ainsi que le Jutra du film s'étant le plus illustré hors Québec.
La Soirée des Jutra a par ailleurs souligné l'oeuvre du réalisateur, producteur et scénariste Fernand Dansereau, en lui remettant le prix du Jutra-Hommage. Au cours de sa longue carrière, M. Dansereau a réalisé une cinquantaine de courts et longs métrages et il a scénarisé notamment l'adaptation de la télésérie Les Filles de Caleb.
Le Jutra Billet-d'Or a été remis à Cruising Bar 2, qui a généré le plus de recettes aux guichets.
Le prix du meilleur documentaire a été décerné au film Sous la cagoule, un voyage au bout de la torture, de Patricio Henriquez. Plutôt que de réciter l'habituelle liste de remerciements, le documentariste a profité du micro pour dénoncer la guerre qu'a déclenchée contre la culture le pouvoir politique qui règne au gouvernement fédéral.
«La culture québécoise est menacée. (...) Et ce ne sont pas juste les artistes ou les travailleurs de la culture qui sont menacés, c'est une menace contre la culture comme expression citoyenne», a déploré M. Henriquez.
Le court métrage Next Floor, de Denis Villeneuve, a été couronné meilleur court/moyen métrage.
Le Jutra de la meilleure animation est revenu au film Le Noeud cravate, de Jean-François Lévesque, une production de l'ONF, qui fête cette année son 70e anniversaire.
Un second hommage a par ailleurs été rendu au conte pour tous La Guerre des tuques, qui célèbre ses 25 ans. Pour l'occasion, quelques chanteurs ont interprété, dans un numéro musical spécial, la chanson thème en différentes langues, soulignant les multiples traductions auxquelles a eu droit le film culte d'André Melançon, produit par Rock Demers.
Animée par la comédienne et productrice Karine Vanasse, la 11e Soirée des Jutra a en outre souligné le travail des auteurs, dont les romans ont su inspirer une multitude de films. Des extraits des textes écrits ont été lus par des acteurs, pendant que la version cinématographique était projetée à l'arrière-plan.