Charles Binamé défend le projet

Le réalisateur vedette Charles Binamé a écrit personnellement à la ministre de la Culture, Christine St-Pierre. Son but: qu'elle dise oui au cinéma d'auteur et au projet de redonner vie au cinéma Parallèle dans les salles du complexe eXcentris, un véritable cadeau du mécène Daniel Langlois.

On sait que la ministre refuse de donner son aval au projet.

Daniel Langlois céderait les deux salles au coût de 12 M$, selon nos informations, alors que leur valeur serait au moins de 25 M$.

Les distributeurs de films indépendants ne comprennent pas non plus que Québec refuse d'accepter ce projet, qui serait bénéfique pour le cinéma d'ici et d'auteur.

Or, dans sa lettre dont le Journal a obtenu copie, coiffée du titre Le bateau passe..., Charles Binamé vante le projet qui est sur la table.

"Ces cinq salles de haut calibre sont indispensables pour diffuser des films qui s'inscrivent dans l'expression vivante de leurs cultures, plutôt que dans la stricte logique du divertissement ", écrit le réalisateur.

UNE OCCASION EN OR

Charles Binamé croit qu'il faut vite se protéger contre cette "avalanche de productions hollywoodiennes qui laminent le paysage québécois".

Il écrit: "Bien que la culture américaine qui les sous-tende fasse partie, dans une certaine mesure, de notre identité et, disons-le parfois, pour notre plus grand bonheur, je veux vous rappeler que notre véritable talon d'Achille, au plan de l'imaginaire, est cette inexorable capture de nos écrans. Il y a clairement asphyxie en la demeure. À Montréal, le cinéma Beaubien est notre ultime retranchement. Pour une ville de plus de deux millions et demi d'habitants, je considère ce fait comme une humiliation."

Il estime que le gouvernement québécois actuel passe à côté d'une superbe occasion.

"Cette offre est circonstancielle, liée à la transition inéluctable des trois salles actuelles de Daniel Langlois, qui seront autrement transformées, soit démolies. Le Complexe eXcentris peut devenir un phare, incontournable dans la revitalisation du Quartier des spectacles. "

LE TEMPS D'AGIR

Charles Binamé croit que "notre culture est en danger" et sonne l'alarme.

"On entend que notre culture se porte bien, peut-être, mais elle est en danger. Nous sommes des insulaires fiers et condamnés. Condamnés because justement, notre isolement culturel. Les nombreux festivals qui essaiment nos calendriers jouent ce rôle de poumon, admirablement. Faut-il s'étonner que nous en possédions autant ? Comme si cette nécessité, trouvant racine dans son isolement, avait pour effet d'encourager et de promouvoir la présence dans nos murs, des réalités vécues ailleurs dans le monde. Mais ce qui nous appauvrit, cette fois, c'est ce que je qualifierais de l'aplanissement par la monoculture, au cinéma, avec cet invraisemblable dumping, cette avalanche de productions hollywoodiennes. "

Il implore donc la ministre St- Pierre de revenir sur sa décision et d'aller de l'avant avec le projet de ce complexe de cinq salles à l'eXcentris.

Charles Binamé conclut : "Plus rares encore sont ces décisions prises parfois dans des contextes difficiles, qui tranchent par leur justesse et par leur clairvoyance, et qui signent haut et fort l'engagement de leurs auteurs face à l'avancement d'une culture, face à l'appétit d'un peuple. L'occasion vous est donnée d'accrocher cette fleur-là à votre boutonnière, Mme la ministre", conclut celui qui a donné au cinéma, entre autres, le film Maurice Richard.