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Défricheuse de talents

Le sens de l'humour

Publié le 28 juin 2011
©Photo d'archives - Si Émile Gaudreault est devenu aujourd'hui l'un des principaux maîtres d'oeuvre de la comédie québécoise, c'est beaucoup grâce à la productrice Denise Robert.
Si Émile Gaudreault est devenu aujourd'hui l'un des principaux maîtres d'oeuvre de la comédie québécoise, c'est beaucoup grâce à la productrice Denise Robert, qui lui a donné sa première chance comme réalisateur il y a une dizaine d'années.

À l'époque, Gaudreault, un ancien membre du Groupe Sanguin, qui avait travaillé comme auteur pour la série Un gars, une fille et pour le film Louis 19, venait d'écrire le scénario d'une comédie intitulée Nuit de noces.

C'est sa productrice, Denise Robert (Les invasions barbares, Maurice Richard) qui l'a convaincu de réaliser lui-même ce film, qui est finalement devenu, en 2001, un grand succès au box-office. «Il possédait déjà très bien ce qu'il voulait raconter», se souvient Denise Robert.

«Pour Nuit de noces, il m'avait dit : "Je ne suis pas capable, tu devrais peut-être trouver un autre réalisateur." Je lui avais dit que c'était lui qu'il fallait, qu'il devait peaufiner son scénario et qu'il allait le réaliser lui-même, parce que, pour moi, c'était tellement clair dans sa tête, ce qu'il voulait faire. Il comprend tellement bien la comédie. Il en a fait lui-même avec Le Groupe Sanguin.»

INSÉCURITÉ

Depuis, Émile Gaudreault et Denise Robert font équipe pour chaque nouveau film du scénariste et réalisateur : Mambo Italiano (2003), également un grand succès populaire et international, Surviving My Mother (2007), De père en flic (2009) et maintenant Le sens de l'humour.

«Ce qui est formidable, avec Émile, c'est qu'il a une insécurité totale, souligne sa productrice. C'est cette insécurité qui fait qu'il est toujours en requestionnement. Encore là (pour Le sens de l'humour), il a fait le film qu'il a voulu faire, mais il est encore fragile et il veut encore évoluer. Je trouve ça très intéressant de l'encourager et d'aller ailleurs chaque fois. Ce qui est important pour moi, au final, c'est que le cinéaste réussisse à faire le film qu'il a dans la tête.

Après le succès du film De père en flic, il m'a dit dès le départ qu'il voulait faire un film différent, un genre de conte un peu comme Amélie Poulain. Il voulait de la couleur, montrer la beauté des paysages du Québec.

Pour un cinéaste, c'est important de progresser, d'essayer des nouvelles choses, de maîtriser davantage son art. Je trouve que, avec Le sens de l'humour, Émile a fait un pas en avant par rapport à ses films précédents. Il affiche une belle maîtrise de l'écriture et du tournage. »

LE GOÛT DU RISQUE

Après le hit De père en flic, Émile Gaudreault aurait pu prendre la voie facile et proposer une suite à sa comédie à succès. Il a plutôt choisi de prendre le risque d'opter pour une proposition tout à fait différente.

«Ça ne m'intéressait pas de refaire la même chose», lance le réalisateur.

«D'ailleurs, dès la première scène du Sens de l'humour, on met le ton en montrant qu'on est très loin de l'univers du film De père en flic. C'est tellement autre chose. Je pense que, dès cette première scène, les gens oublient De père en flic. Parce que si les spectateurs avaient pensé à De père en flic tout au long du Sens de l'humour, j'aurais raté mon pari.»

Le sens de l'humour raconte l'histoire de deux humoristes de second ordre (Louis- José Houde et Benoît Brière) qui, lors d'une tournée en région, font la gaffe de se moquer de Roger (Michel Côté), un timide cuisinier en apparence inoffensif.

Pas de chance, leur tête de Turc d'un soir s'avère être un dangereux psychopathe qui aime particulièrement s'en prendre aux gens de Montréal. Roger les kidnappera pour se venger, mais acceptera de leur laisser la vie sauve en échange de quelques cours sur l'art d'être drôle...

«L'idée de départ est venue des tournées en région des humoristes, une expérience que j'ai vécue à l'époque où j'étais dans Le Groupe Sanguin, explique Émile Gaudreault. Je me suis mis à me demander quelle serait la pire chose qui pourrait arriver à des humoristes, en tournée. Puis, de fil en aiguille, j'en suis venu à cette idée de psychopathe qui leur demande de lui enseigner l'art de la comédie.

Toutefois, rapidement, je me suis rendu compte qu'il y avait quelque chose d'extrême, dans cette idée. Le danger de ce film, c'était que ce ne soit pas drôle parce qu'on est dans un univers qui aurait pu être très glauque. On marchait continuellement sur un fil très mince. J'avais vécu cela, déjà, avec mon film Surviving My Mother, où il fallait être drôle avec le thème de la mort.»

CONTRE-EMPLOIS

Le réalisateur s'est aussi compliqué la tâche en faisant de nouveau appel à son duo d'acteurs du film De père en flic (Michel Côté et Louis-José Houde), mais en leur confiant, cette fois-ci, des contre-emplois : «Quand j'ai eu cette idée, j'ai pensé tout de suite à eux. On avait tellement de plaisir à tourner De père en flic. Ce sont des surdoués de la comédie. Je suis privilégié de travailler avec eux.

Quant à Benoît (Brière), il a décroché le rôle en audition. Il était tellement bon que, après son audition, on s'est mis à genoux et on lui a dit : "Merci, t'as le rôle !"»

Pour se préparer à camper ce personnage plus loin de lui, Louis-José Houde a même suivi des cours d'interprétation avec l'actrice Johanne-Marie Tremblay.

«Ce qui était difficile pour lui, cette fois-ci, et qui m'impressionne dans son jeu, c'est qu'il a réussi à être drôle différemment, souligne Gaudreault.

Parce que, en général, les comiques ont un beat comique, une énergie qui est la leur. C'est la raison pour laquelle on dit que Louis-José fait du Louis-José, dans De père en flic ou que Louis de Funès fait du Louis de Funès dans ses films. Toutefois, dans Le sens de l'humour, Louis-José a réussi à être drôle autrement. Il est même drôle sans parler. Il a tellement une énergie frénétique que, dans le silence, on sent que ça bouge beaucoup en dedans. Ses silences sont donc très vivants.»

PAYSAGES

Le film a majoritairement été tourné en région, à L'Anse-St-Jean, au Saguenay, puis à St-Urbain, près de Baie St-Paul.

«Comme une grosse partie du film est un huis clos - les deux personnages d'humoristes étant emprisonnés pendant plusieurs scènes -, je sentais que le film avait besoin de respirer, indique Gaudreault ; j'ai donc voulu filmer des paysages à perte de vue, pour ne pas que le film soit étouffant.

Je sentais aussi que le film avait besoin d'être stylisé, qu'il y ait même un petit côté faux à tout. Je voulais qu'on sente que c'est comme un petit décor, que la lumière tombe toujours à la bonne place, pour donner l'impression qu'on est dans une fable. Je voulais qu'on s'éloigne du côté quotidien de l'horreur, genre le couteau de cuisine. Pour que les gens rient, il fallait que le visuel soit décalé. Je voulais que rien ne soit glauque. Même les instruments de torture sont fantaisistes et drôles... Je voulais que tout l'univers soit fantaisiste, artificiel.»

Forcément, même s'il fait tout pour s'en détacher, Émile Gaudreault ne peut faire autrement que de sentir sur ses épaules le poids de la pression de répéter le succès du film De père en flic. Il partira même en vacances à l'extérieur du Québec, la semaine de la sortie de son film, pour éviter de vivre le stress relié à la «performance» de son film au box-office.

«Je ne veux pas vivre ça au quotidien et chaque heure, admet-il. Je ne peux tellement rien y faire, ça ne dépend par de moi.

Cela dit, je n'ai jamais senti la pression du film De père en flic en réalisant Le sens de l'humour. De père en flic, c'était il y a deux ans ; là, ça fait deux ans que j'ai la tête dans Le sens de l'humour. Je ne suis donc plus dans De père en flic, et mon objectif était de réussir ce film et d'essayer de faire en sorte que ça ne soit pas un flop. C'était mon défi.»

Le sens de l'humour prend l'affiche le 6 juillet.
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