Retour à toutes les nouvelles
Retour à toutes les nouvelles
Bunker: un huis clos québécois
Publié le 3 mars 2014Inutile d'être confiné dans un espace fermé pour avoir cette impression d'être pris entre quatre murs.
Même si les protagonistes du long-métrage d'Olivier Roberge et Patrick Boivin ont la possibilité de s'aérer le corps et l'esprit, on les sent pris dans une danse obligée qui pourrait mal se terminer dans Bunker.
Bunker, qui oppose Patrice Robitaille et Martin Dubreuil, se passe dans une réalité autre du Québec d'aujourd'hui: et si nous avions encore des bunkers nucléaires qu'il fallait opérer en cas d'alerte? Qui s'y trouverait et que se passerait-il s'il fallait tourner les clés pour expédier les ogives de l'autre côté de l'Arctique?
C'est la question à laquelle ont tenté de répondre le coréalisateurs, inspirés par une manchette qu'ils ont lue. «On a appris que la fameuse machine infernale du docteur Strangelove avait réellement existé en URSS, une machine qui faisait une réplique nucléaire automatique si la Russie était attaquée. C'est encore en fonction aujourd'hui. Au bout de la ligne de commandement, il y avait un bunker avec un soldat dedans, et c'était sa responsabilité de peser sur le bouton ou non. Alors on a voulu explorer ça, savoir ce que ça représentait d'avoir cette charge-là sur ses épaules. Évidemment, on a ramené ça au Québec», dit Olivier Robert.
Patrick Boivin ajoute qu'«en faisant nos recherches, on a rapidement découvert qu'il y avait eu la bombe atomique au pays jusqu'en 1984. Il y a eu des bunkers nucléaires au Canada, au Québec particulièrement. Donc, ça devenait possible de raconter une histoire autour de ce sujet-là, ici.»
En plus d'explorer l'univers du bunker, les deux hommes ont tenu à ajouter une dimension humaine à leur film, en adressant directement le problème des troubles post-traumatiques qui pourrissent la vie de ceux qui reviennent de mission.
«Olivier et moi sommes issus d'une génération qui n'a pas connu de conflit, particulièrement au Québec. Donc, on était envahis de préjugés sur les militaires. On a grandi les deux un peu engagés à prétendre que l'armée ça ne sert à rien. Le soldat, qu'est-ce qu'il a à vivre, à quoi est-il confronté? Ces dernières années on entend parler des troubles post-traumatiques [8 suicides chez les soldats canadiens cette année, indiquent-ils]. Notre personnage principal, il souffre de troubles depuis le retour de sa dernière mission, c'est pour cela qu'il est envoyé dans ce bunker-là. Les militaires à problèmes sont un peu mis à l'écart», dit Boivin.
Martin Dubreuil faisait déjà partie du projet lorsque Patrice Robitaille s'y est greffé. Dubreuil, qui devait camper le soldat plus taciturne, a changé de rôle, devenant de fait la locomotive du projet. Les deux acteurs ont alors participé à la réécriture du scénario, qui a été construit en fonction d'eux.
«Parmi les comédiens de notre génération, Martin et Patrice sont selon moi les deux qui sont le plus authentiques. On avait besoin d'authenticité dans ce film-là», indique Patrick Boivin.
Patrice Robitaille ne tarit pas d'éloge à propos de l'équipe. «Patrick est un gars très, très, très talentueux et de savoir qu'il a pensé à moi, je trouvais ça très flatteur. Et je connaissais aussi le travail de Martin Dubreuil. Je trouve que c'est un acteur qui a sa couleur, qui est très singulier.»
Les deux acteurs ont travaillé ensemble par le passé, mais jamais dans un face-à-face d'une telle envergure. «On a des méthodes assez différentes qui se complètent un peu en bout de piste», dit Robitaille. «Nous sommes des acteurs qui aimons les trucs très réalistes au niveau du jeu, mais j'ai l'impression que les chemins pour s'y rendre sont assez différents. Martin est probablement plus 'Actors Studio' que moi. Il peut être dans l'état qu'exige le rôle, tandis que, moi, je vais tenter de jouer ça».
À ce propos, Dubreuil ajoute: «On a deux approches assez différentes. Patrice est autonome, professionnel. Il arrive, il s'habille vite, il fait ses scènes...
Efficace. Il joue plus lentement. C'est peut-être son rythme naturel. Moi je bouge vite, je parle vite. Il est plus lent dans l'espace. Après il finit et il s'en va. Moi je traîne, je parle avec les réalisateurs. Ensemble, c'était une dynamique spéciale. Notre relation ressemble un peu à celle des personnages. C'était facile d'être ces personnages-là.»
Un rôle introspectif et plutôt muet pour Patrice Robitaille, ce n'est pas monnaie courante. «C'est ça qui m'a attiré. D'une part, un duo d'acteurs c'est tout le temps le fun, je trouvais que c'était un beau privilège. En même temps, le personnage était très peu loquace, alors je me suis dit que ce serait intéressant de travailler cette intériorité-là de gars prisonnier de son secret, de laisser l'autre avoir la 'drive' d'à peu près toutes les scènes. Je suis un peu le faire-valoir ou l'accompagnateur.»
De son côté, Martin Dubreuil avait ses exigences. «J'avais peur que le public ne suive pas si c'était juste de la science-fiction, que ce soit impossible qu'il y ait un bunker avec du nucléaire au Québec. Alors je les ai obligés à rendre ça le plus réaliste possible, le plus crédible, et j'ai moi aussi participé aux recherches pour trouver le plus d'information possible. Ensemble on a cherché un petit peu plus loin.»
Le film sera en salles le 7 mars prochain.