Retour à toutes les nouvelles
Retour à toutes les nouvelles
Les mauvaises herbes : tout sauf prévisible
Publié le 7 mars 2016Avec Les mauvaises herbes, le réalisateur Louis Bélanger - qui a écrit le scénario avec Alexis Martin, propose un film qui tourne le dos aux lieux communs.
Le long métrage mettant en vedette Alexis Martin, Gilles Renaud, Emmanuelle Lussier-Martinez et Luc Picard s'impose, à la fois, comme une comédie bien sentie et un drame émouvant. Partons à la rencontre des artisans...
Ce projet, qui a pris cinq ans à voir le jour, est né de la lecture du roman La Forêt des renards pendus d'Arto Paasilinna. «L'intrigue se passe en Finlande pendant l'hiver. Même si le roman est drôle, il n'y a pas d'action, c'est très lent. Mais ce qui m'a charmé, c'est le cadre, a expliqué Louis Bélanger. Là, je me suis dit que nous avions le même type d'environnement. L'hiver, la forêt, les régions, l'isolement. Ça m'a parlé.»
À cela s'est ajoutée l'intrigue, écrite conjointement par Louis Bélanger et Alexis Martin, celle de Jacques (incarné par Alexis Martin), acteur de théâtre, accro aux loteries vidéo et dans lesquelles il dépense son salaire. Voulant échapper à Patenaude (Luc Picard), un shylock à qui il doit une importante somme d'argent, Jacques prend la fuite et se retrouve, en plein hiver et en pleine campagne. Simon (Gilles Renaud) l'accueille chez lui et lui propose un marché. Jacques aidera le vieil homme malade à entretenir ses plans de marijuana en échange de quoi, sa présence sera tenue secrète. Or, bien vite, Francesca (Emmanuelle Lussier-Martinez), une employée d'Hydro-Nord, découvre la plantation illégale de Simon et se retrouve, elle aussi, à devoir mettre la main à la pâte.
Le sujet de l'économie parallèle - ici, la culture du pot par des fermiers en région - a été le point de départ de la démarche d'écriture presque symbiotique des deux compères (qui ont écrit Route 132 ensemble). «Ce qui s'est greffé, de manière anecdotique, a été l'observation des activités économiques parallèles en région. Toutes les semaines, il y a au moins deux entrefilets sur des saisies de pot. Personne n'en parle au cinéma, donc nous nous sommes dit que ce serait drôle», ont indiqué Louis Bélanger et Alexis Martin.
Par ailleurs, les deux hommes souhaitaient élargir le champ de leur travail à quatre mains, «de manière moins dramatique que nos collaborations précédentes. Les gens nous disent souvent que nous sommes des gars rigolos, et nous voulions faire une comédie de moeurs. C'est le prétexte pour présenter trois personnages qui ne se rencontreraient pas normalement», ont-ils souligné de concert.
DÉJOUER LES ANTICIPATIONS
Marijuana, situations absurdes, moments rocambolesques sont autant d'ingrédients qui prêtent à un enchaînement de scènes prévisibles. Or, Les mauvaises herbes et le destin des personnages sont tout sauf prévisibles, comme l'ont commenté Louis Bélanger et Alexis Martin.
«Quand on écrit nos personnages, c'est l'une des affaires qui nous habitent le plus. Il faut être plausible, mais pas logique, parce que la logique n'est pas toujours surprenante. La vie n'est pas logique, et nous sommes plus irrationnels que rationnels dans nos comportements, nos passions et nos pulsions.»
«Mais cela nous a posé des problèmes auprès des jurys ou des bailleurs de fonds qui nous disent que tel personnage ne peut pas faire cela ou que telle action n'est pas plausible. Nous avons dû les convaincre, en expliquant que les motivations des personnages seraient expliquées, mais pas quand ils agissent. C'est le fun de jouer avec les anticipations du spectateur. Oui, en apparence, une scène est bizarre, mais nous, nous savons que nous avons un lapin dans notre chapeau et qu'on va le sortir 15 minutes plus tard.»
C'est d'ailleurs ce côté imprévisible qui a interpelé Gilles Renaud pour son personnage de Simon. «Ce qui m'attire toujours dans un personnage, c'est son humanité ou son humanisme. Le fait que Simon ait une vie secrète est intéressant à jouer. Le spectateur ne comprend pas pourquoi ce gars-là, tout d'un coup, seul dans sa campagne, fait pousser 1000 plants de pot. On ne comprend pas pourquoi. Tout ce mystère m'attire, c'est-à-dire avoir à le jouer sans le révéler.»
Tout aussi surprenant, le destin de la jeune Francesca, incarnée par Emmanuelle Lussier-Martinez, actrice choisie au terme d'un processus d'auditions et qui crève l'écran dans chacune de ses scènes. «C'est à partir du moment où Francesca arrive - et c'est tard dans le film - que la dynamique du trio se met en place. C'est tellement improbable! Et on finit par y croire!», de dire l'actrice de théâtre, dont c'est le premier rôle au cinéma.
Quant à Luc Picard, son interprétation de Patenaude, ce prêteur particulièrement méchant (mais hilarant) vaut le détour. De son rôle, le comédien que l'on est habitué à voir dans des rôles nettement plus graves a mentionné: «C'est un vrai beau caméo. Patenaude est vraiment un archétype cinématographique du méchant, un peu drôle, un peu épeurant, un peu outrageux, un peu ridicule... Il est comique. Quand je l'ai lu, c'est comme cela que je l'ai vu. Ensuite, il fallait que je confirme avec Louis et Alexis que c'était vraiment ça qu'ils voulaient. C'est un peu stressant parce que, quand tu arrives sur le plateau, il faut que tu fasses le show. Tu arrives, tu fais tes scènes et c'est un spectacle.»
Mais, si le destin des personnages est varié et tient le spectateur en haleine, les acteurs, eux, ont tous un point commun, celui d'avoir souffert des rigueurs de l'hiver pendant le tournage. Car Les mauvaises herbes a été filmé l'an dernier, en pleins records de froid. Résultat, caméra et micro gelés... moments «inconfortables», la litote utilisée par Luc Picard pour décrire le tournage d'une scène dans un bâtiment en construction. Pour Gilles Renaud, la grange reste mémorable en raison de l'humidité et du manque d'isolation. Et que dire d'Alexis Martin devant courir, en vêtements d'époque et en chaussures à boucle, dans la neige?
FABRIQUER DES PLANTS DE MARIJUANA
Le grand défi du film demeure malgré tout la création d'une plantation de pot. Le producteur Luc Vandal a détaillé les péripéties entourant ces accessoires pour le moins particuliers!
«Naïvement, on pensait qu'on allait pouvoir appeler des gens - le Club Compassion par exemple - et louer des plants pendant un mois et demi [la durée du tournage] et après, on les retournait, c'est tout. On ne comprenait pas quand on nous disait non, même quand on précisait qu'on allait les rendre. Tout le monde refusait.»
«On a appelé des avocats, qui nous ont dit que c'était illégal. Nous étions étonnés, mais ils nous ont confirmé que nous ne pouvions pas louer des plants de pot. Si, par exemple, quelqu'un du département artistique avait eu un plant dans son camion pour l'amener sur le plateau et qu'il s'était fait arrêter, il aurait eu un casier judiciaire.»
«Nous ne savions plus quoi faire et nous étions vraiment découragés. Nous avons essayé de faire venir de faux plants de marijuana d'Angleterre, mais ils n'étaient pas beaux. C'est à ce moment qu'Andrée-Line Beauparlant [NDLR: la directrice artistique] a décidé que nous allions les faire.»
Une équipe de 11 personnes, toutes listées au générique, se sont mises à l'ouvrage, produisant de superbes plants, à tous leurs stades de pousse! «Les feuilles ont été collées dans les fleurs une à une. C'était vraiment de l'ouvrage! Et ça fonctionne extraordinairement bien, nous sommes vraiment contents du résultat», d'ajouter le producteur.
Les mauvaises herbes prend l'affiche à travers la province dès le 11 mars.