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Sortie 67: les enfants oubliés du Québec

Les gangs de rue à Montréal-Nord

Publié le 28 octobre 2010
© Atopia - Le réalisateur Jephté Bastien
Jephté Bastien jette un pavé dans la mare. Avec son Sortie 67, en salle le 5 novembre, le réalisateur et scénariste montréalais délaisse le sensationnalisme et présente la réalité crue des gangs de rue.

C'est après avoir appris la mort de son neveu âgé de 16 ans que Jephté Bastien s'est lancé dans l'écriture du scénario de Sortie 67, du nom de la ligne d'autobus qui traverse le quartier Saint-Michel. Une manière «d'exorciser» et de vaincre «la culpabilité» ressentie suite à ce décès absurde. Au milieu des magnifiques objets africains de la Maison de l'Afrique - Mandingo sur la rue Henri-Julien, le cinéaste nous entraîne dans son monde et dans une réalité méconnue.

Financé par la SODEC et Téléfilm Canada, le premier long métrage de cet artiste multidisciplinaire - qui a aussi signé la trame sonore du film -, Sortie 67 a bénéficié, à la grande surprise de Bastien, d'un budget d'un peu plus d'un million de dollars. «Je n'avais pas pensé que (les institutions) auraient financé mon film» raconte-t-il, encore tout étonné et avouant avoir eu des «préjugés» sur les deux organismes.

Le tiers-monde

Parce que dans les cas de crimes qui impliquent des membres de gangs de rue, il n'y a pas d'enquête, Jephté Bastien a écrit à défaut de se faire justice lui-même. «Faire jaillir la lumière, créer un débat qui va pouvoir donner un visage humain à tous ces jeunes marginaux» est la mission qu'il s'est fixée. On suit donc l'histoire de Ronald, témoin à 8 ans du meurtre de sa mère par son père. Au bout de sa 13e famille d'accueil, le jeune qui se fait désormais appeler Jecko, se trouvera «un groupe d'appartenance» selon les termes employés par Henri Pardo, l'acteur qui incarne ce délinquant adulte.

Commence alors une descente dans la violence, la drogue et le milieu de la prostitution. Devenu lieutenant du caïd local, il commencera alors à se poser des questions morales. «Je voulais amener une autre perspective, ces jeunes sont les enfants du Québec» assène, d'une voix calme et douce, Jephté Bastien. «C'est une vie de tiers-monde au Canada. La pauvreté est à la base de ce problème. Le manque de vision aussi, ces jeunes ne rêvent plus, leurs parents ont des diplômes mais ne travaillent pas» insiste-t-il, posé et mesuré.

«Pris entre l'enclume et le marteau» ils sombrent alors dans la drogue, le proxénétisme et la criminalité. «Le système doit intervenir afin de donner une assistance et un encadrement aux parents (en difficulté) plutôt que de briser ces familles en leur enlevant leurs enfants.»

Et, fidèle au discours et aux images de Sortie 67, Jephté Bastien propose d'ouvrir «un débat responsabilisateur», pas question en effet de se contenter de critiquer ou d'oublier la gravité de la situation. «Je ne sais pas, je ne suis qu'un simple cinéaste qui a voulu mettre en lumière des personnes marginalisées» répond-il quand on lui demande quelles solutions - s'il y en a - il entrevoit. Une manière pour ce cinéaste engagé d'ouvrir une porte et de créer un dialogue entre les cultures qui composent le Québec d'aujourd'hui.
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