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Un 32 août sur terre présenté à l'Estival du FNC: entrevue avec Pascale Bussières

Publié le 23 août 2023
Éléphant - Pascale Bussières a accordé une entrevue exclusive à Éléphant et nous parle du premier long métrage de Denis Villeneuve, Un 32 août sur terre, présenté le 1er septembre à l'Estival du FNC.
Dans le cadre de l'Estival du Festival du nouveau cinéma, la version restaurée par Éléphant de Un 32 août sur terre, le premier long métrage de Denis Villeneuve, aura droit à une projection extérieure le 1er septembre à 19h à l'Esplanade tranquille à Montréal, coin Ste-Catherine et Clark. Nous avons profité de l'occasion pour poser quelques questions à Pascale Bussières, qui tient la vedette du film avec Alexis Martin.
 
 
Il y a 25 ans, tu as eu la chance de jouer dans le premier long métrage complet de Denis Villeneuve. Comment s'est passé le tournage avec lui et l'équipe?
 
Le tournage de Un 32 août sur terre a été l'un des moments les plus stimulants de ma carrière et certainement l'un de mes films favoris. Ça tient au fait que nous étions jeunes et très enthousiastes, libres et téméraires! Il y avait à ce moment-là une nouvelle vague dans le cinéma québécois qui se transformait rapidement sous la gouverne de jeunes réalisateurs inspirés comme Denis, Jean-Marc Vallée, Jennifer Alleyn, Manon Briand, Alain Desrochers, Podz, Marie-Julie Dallaire, Charles Binamé, etc. J'ai eu la chance et l'immense privilège de prendre cette vague-là à bras le corps. 
 
Pour le tournage de Un 32 août sur terre, nous sommes partis dans le désert de sel à Salt Lake City puis au Nevada, l'état voisin. Ce cadre si singulier nous a jetés dans un état presque surréaliste. Denis était galvanisé et sa complicité avec André Turpin était belle à voir, comme si cet espace inconnu donnait une forme à son univers en devenir, à sa poésie visuelle, son langage spatial. Le cerveau de Denis était dans une telle ébullition qu'il lui arrivait de faire les cent pas pour rassembler sa pensée et laisser surgir une idée neuve. Nous avons, Alexis Martin et moi, eu la liberté d'improviser à quelques occasions parce que Denis avait envie de nous donner cet espace-là bien que les scènes étaient très préparées en général. Je pense notamment à la scène tournée dans le Space Hotel alors que les deux personnages prennent la cuite de leur vie. Un moment d'improvisation dirigée pour notre plus grand plaisir. 
 
 
As-tu une anecdote de tournage ou un fait inusité à propos du film que tu aimerais partager avec nous?
 
Il y a eu des dizaines de moments mémorables, mais le plus prégnant est lorsque notre équipage a dû faire face à une tempête sur le Salt Lake dont les vents nous faisaient lever de terre. On s'envolait littéralement. Alors nous avions décidé de déclarer forfait ce jour-là et de rentrer à l'hôtel-casino au Nevada. Autre lieu mythique et surréalistes pour nos jeunes consciences candides. Ensemble, dans la chambre du preneur de son, nous avons regardé des images de la journée, joué de la guitare électrique branchée dans un ampli beaucoup trop puissant pour les lieux, négocié avec le shérif pour qu'il nous laisse faire trop de bruit et bu pas mal de champagne en attendant que le vent s'apaise! Des instants de pure magie dans l'immensité de cette Amérique délirante, nous en avons vécu pas mal? Ça remplit plusieurs tiroirs dans ma tête.
 
La version restaurée par Éléphant de Un 32 août sur terre a été présentée en 2017 à Cannes Classics et tu étais présente à cette projection. Avec un recul de presque 20 ans, comment as-tu trouvé le film? Et quelle a été la réception du public?
 
À l'invitation de Pierre Karl Péladeau, de Claude Fournier, de Marie-José Raymond, responsables de la restauration des oeuvres et accompagnée de mon amie et complice Jennifer Alleyn, j'ai surmonté la crainte de revoir Un 32 août presque 20 ans plus tard dans un contexte aussi mythique que la plage cannoise! Le péril est grand de mal vieillir... mais le moment fut tout à fait émouvant et singulièrement surréaliste, à l'image du film lui-même qui n'avait pas pris une ride, contrairement à moi!!! 
 
De voir cette foule de 1000 personnes assises sur des chaises transat, les pieds dans le sable pour venir assister à la projection extérieure du film m'a éblouie. J'ai été traversée par un immense vertige durant les premières secondes de la séance et j'ai réussi à le regarder comme une oeuvre autonome, en dehors de moi. Le plus touchant était de démontrer à ce public l'origine de l'oeuvre qu'allait construire Denis Villeneuve sur les 25 prochaines années. De quoi donner les larmes aux yeux.
 
 
Ta filmographie est impressionnante et très diversifiée. Tu es une figure marquante du cinéma québécois depuis maintenant près de 40 ans! Tu as également beaucoup joué à la télévision. Est-ce que ton approche du métier a changé? Qu'est-ce que tu recherches aujourd'hui quand tu acceptes un rôle?
 
Notre industrie s'est grandement transformée depuis que j'ai commencé il y a quarante ans. D'ailleurs, on ne parlait pas d'industrie à l'époque, c'était de l'artisanat... la grande famille d'un tout petit milieu. Mais mon approche, elle, est restée la même. Je favorise le cinéma d'auteur depuis toujours parce qu'il correspond davantage à la nécessité de l'art comme outil de réflexion plutôt que de distraction. Mais les genres et les modes de diffusion se sont métissés largement, ce qui fait que les distinctions sont peut-être moins franches qu'avant. J'ai d'ailleurs trouvé dans le théâtre documentaire une forme hybride qui mêle le travail de recherche phénoménale et la dramaturgie qui en découle. J'aime les formes hybrides et plus expérimentales. Mais dans l'instant présent, devant tout ce qui nous préoccupe, je ressens pour la première fois la nécessité de participer à des oeuvres porteuses de lumière, d'éclairage sur les possibles pour s'éjecter un peu des constats nihilistes qui s'empilent depuis quelques années. 
 
L'art est un exutoire extraordinaire quand il décolle du consensus bienveillant et d'une espèce de démonstration stérile de la réalité. Le cinéma italien m'a toujours particulièrement plu pour ça, pour la transcendance du réel. Ce que je recherche avant tout, c'est de l'intelligence qui ne se prend pas au sérieux, de la poésie légèrement décalée et de la grâce dans l'expression... comme une chorégraphie de Marie Chouinard...
 
 
Dans une entrevue accordée à Éléphant en 2014, tu mentionnais être fascinée par les métiers derrière la caméra et avoir envie de te lancer dans la réalisation parce que le métier d'actrice est souvent à la merci du désir et de l'initiative des autres. Tu disais aussi être en processus d'écriture. Est-ce que cette envie est encore présente? As-tu toujours des projets derrière la caméra?
 
L'envie d'être en amont des projets est là depuis longtemps et elle se réalise de plusieurs manières. Il y a bien sûr l'écriture, qui est un travail de fond solitaire et laborieux pour moi, mais il y a aussi mon implication comme metteure en scène sur différents projets musicaux. Je développe actuellement un projet hybride avec URBANIA et poursuis le développement d'une série qui s'est amorcée il y a deux ans déjà. Parallèlement à ma pratique, disons professionnelle, j'aime beaucoup les arts plastiques, qui me permettent d'être autonome dans la production et d'avoir un résultat plus ponctuel. Ça permet de balancer un peu les longues périodes d'attente relatives aux développements des projets. Bref, je suis un peu touche-à-tout et me donne la liberté de suivre l'impulsion du moment. 
 
 
Peux-tu nous nommer un film du répertoire Éléphant que tu aimes particulièrement et nous en parler un peu?
 
Pour la suite du monde de Michel Brault et Pierre Perrault et Marcel Carrière, pour la poésie, la grande beauté cinématographique et l'amour profond du territoire, cette oeuvre est une pierre angulaire de ce que nous sommes. Éléphant nous permet aussi de transmettre à nos enfants ce qui a sculpté nos consciences et nos réflexions à leur âge.
C'est très précieux ça.
 
 
Un 32 août sur terre est disponible sur les plateformes de Vidéotron et sur l'app Apple TV. Pour tous les détails sur la projection du 1er septembre, rendez-vous sur le site du FNC.

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