L'urgence du moment
Les amours imaginaires de Xavier Dolan
Publié le 7 juin 2010Happé par la célébrité grâce à son premier film coup de poing, Xavier Dolan a décidé de faire face rapidement au test du deuxième long métrage en tournant dans l'urgence, l'automne dernier, Les amours imaginaires.
Pari réussi jusqu'à maintenant grâce à un accueil inespéré au Festival de Cannes.
Le réalisateur de 21 ans est le premier à s'en réjouir, lisant religieusement tout ce qui s'écrit sur ses films.
«Il y a deux fois plus de critiques qui ont parlé du film et deux fois plus de critiques positives que pour J'ai tué ma mère. Je ne pourrais pas être plus content», s'enthousiasme Dolan, avec qui Le Journal s'est entretenu quelques jours après son retour de Cannes, en marge de la sortie des Amours imaginaires au Québec, le 11 juin.
«Quand tu vois Biutiful (du réputé cinéaste Alejandro Gonzalez Inarritu) qui a fait 50-50, à Cannes, tu peux te permettre de dire qu'il a divisé les gens, mais moi, j'en ai lu cent critiques et il n'y en avait que quatre qui étaient destructrices. On parle du Monde, du Hollywood Reporter, du Indiewire et d'un blogue français obscur. Il y en a une quinzaine qui sont mi-figue, mi-raisin. Le reste, c'est l'encensoir. C'est au-delà de tout ce dont je pourrais rêver.»
Se disant «très sensible aux critiques», Dolan considère comme «un privilège de pouvoir intéresser les gens d'une telle façon qu'ils se permettent de faire une réflexion très poussée en bien ou en mal d'un produit».
«Je suis jeune, je n'ai pas d'expérience, j'ai hâte de savoir ce que les gens pensent. C'est évident que ça me blesse quand des critiques disent que le film est inutile et banal. En même temps, tout le monde pourrait écrire à l'unanimité que c'est O.K., c'est bien. Ça ferait encore plus mal. Parce qu'indifférer ne comporte pas le plaisir procuré par l'extrémisme des critiques dithyrambiques et vitrioliques.»
OEUVRE PERSONNELLE
Même s'il le décrit comme un film différent de J'ai tué ma mère, Les amours imaginaires se veut une oeuvre tout aussi personnelle.
On y fait la rencontre de deux amis, Francis (Dolan) et Marie (Monia Chokri), qui tombent tous deux sous le charme d'un mystérieux inconnu, Nicolas (Niels Schneider).
D'amis, ils deviendront de féroces rivaux se livrant une bataille sans merci pour gagner les faveurs de Nicolas.
«C'est un film extrêmement personnel, mais peut-être moins voyeur ou intime que J'ai tué ma mère», précise le cinéaste.
«Ça ne se passe pas dans mon salon cette fois-ci. Je prête à toutes sortes d'intervenants ou d'interlocuteurs des anecdotes que j'ai vécues ou que des gens ont vécues autour de moi. C'est sûr que c'est pas mal inspiré de mes propres amours imaginaires ou contrariées.»
«MALHEUREUX»
Il qualifie son personnage de Francis, qui marque ses échecs amoureux par des traits sur le mur de sa chambre comme Robinson Crusoé comptait les jours sur son île, d'individu «profondément malheureux».
«Je pense que c'est un absolutiste de l'amour, comme son amie Marie. Il est plus timide, plus discret, plus passif qu'elle, mais pas moins stratège, agressif et manipulateur dans sa façon d'obtenir désespérément ce qu'il veut.»
À travers le récit, Dolan a inséré des entrevues avec des gens, étrangers à l'histoire, qui racontent leurs propres déboires amoureux.
«On a le dialogue qu'auraient voulu dire les personnages. Mais dans l'histoire, il n'y a pas d'échange, juste des rendez-vous ratés au niveau humain.»