La paternité selon Scott et Petit
Starbuck
Publié le 25 juillet 2011Le nouveau film de Ken Scott, Starbuck, raconte l'histoire d'un homme de 42 ans qui découvre qu'il est le géniteur de 533 enfants. Cela vous paraît trop farfelu ou carrément impossible? Détrompez-vous...
Ken Scott (Les doigts croches) et Martin Petit, qui ont signé ensemble le scénario de cette comédie dramatique, ont en effet découvert en cours d'écriture qu'il existait des cas aussi extrêmes que le personnage central de leur film.
«Quand on a commencé à écrire le film, on s'est dit que notre personnage serait le géniteur de 150 enfants, raconte Ken Scott. On trouvait que c'était beaucoup, mais on se disait que c'était de la comédie et qu'on pouvait exagérer un peu. Puis au bout de quelques semaines qu'on travaillait là dessus, les médias ont relaté l'histoire d'un homme qui avait 200 enfants. Tout le monde en a parlé pendant une journée.
«Puis, peu de temps après, on a entendu parler d'un autre homme, à New York, qui était propriétaire de sa propre clinique, et qui était le géniteur de plus de 200 enfants. On a aussi entendu récemment une autre rumeur d'un homme qui serait le géniteur de 500 enfants. Donc avec 150, on était bien en dessous de la réalité. On a donc décidé de monter le chiffre à 533... »
Starbuck - en référence au nom du légendaire taureau de Saint-Hyacinthe, géniteur de quelque 200 000 vaches laitières - raconte donc l'histoire de David Wosniak (Patrick Huard), éternel ado, désorganisé et endetté, qui a même du mal à bien faire son boulot de livreur dans la boucherie de son père (Igor Ovadis).
Un jour, un avocat sonne à sa porte pour lui annoncer que ses dons de sperme faits plusieurs années plus tôt lui ont rapporté plus que quelques dollars: il est le géniteur de 533 enfants, dont près de 150 ont entrepris des démarches pour connaître son identité.
EXPLORER LA PATERNITÉ
L'idée du film, et de ce personnage géniteur de centaines d'enfants, est venue un jour de printemps, alors que Ken Scott et Martin Petit, deux bons amis depuis leurs débuts en humour au sein du groupe Les Bizarroïdes, s'étaient donné rendez- vous pour discuter de leurs projets individuels.
«On se lançait une balle de baseball dans le parc Jeanne-Mance quand Martin a parlé de l'idée de parler d'un géniteur qui aurait énormément d'enfants, relate Ken Scott.
«Pour nous, c'est devenu rapidement un prétexte pour aborder le thème de la paternité, étant donné que nous sommes pères tous les deux. On avait beaucoup à dire sur le sujet. On a puisé dans nos expériences personnelles, mais aussi dans celles de gens qu'on connaît.
«On avait envie de parler de la paternité parce que ç'a beaucoup changé dans les dernières années. Le rôle du père a changé. Je ne pense pas qu'on aurait écrit ce film il y a 10 ans ou 20 ans. Le père, aujourd'hui, a plus de responsabilités et a davantage envie d'être présent et d'en profiter. L'idée du film était d'explorer la paternité sous toutes les facettes. »
Pour Martin Petit, le scénario du film est d'ailleurs construit autour de deux sentiments: le plaisir et la satisfaction d'être père et la frustration de pas pouvoir en profiter.
«Quand je suis devenu père, c'est devenu très clair qu'il venait de se passer quelque chose à l'intérieur de moi qui allait bouleverser ma vie à jamais, explique Petit. Et en même temps, je connais des gars qui ont appris qu'ils avaient des enfants cinq ou dix ans après. Je trouvais ça tellement triste, quand tu tripes à être père, qu'on te soutire ce plaisir et cette fierté-là.»
FAR WEST
Pour asseoir leur histoire sur des bases solides, Scott et Petit ont fait leur travail de recherche sur les droits des donneurs de sperme et ceux des enfants qu'ils ont engendrés. Ils ont lu sur le sujet, en plus de consulter des avocats pour l'aspect légal de la question.
«Il n'y a pas de position morale préétablie sur cette question, souligne Ken Scott. C'est un peu le Far West, les chefs sont très difficiles à trouver.
«Il y a des dizaines de milliers d'enfants qui sont nés à chaque année en Amérique du Nord comme des citoyens de deuxième ordre parce qu'ils n'ont pas le droit de savoir qui est leur père ou leur géniteur. Quand on y pense, on se dit qu'ils devraient avoir ce droit. Mais en même temps, si on enlève la clause d'anonymat au donneur, plus personne ne voudra donner.»
«Cette situation particulière nous a obligés à beaucoup réfléchir sur la question. C'est très intéressant d'écrire des histoires dans lesquelles il n'y a pas de solution tout écrite.»