La signature de Simoneau
L'appât
Publié le 13 décembre 2010À 55 ans, expatrié aux États-Unis pendant plus de 20 ans, Yves Simoneau revient aux sources. Il s'est réinstallé au Québec avec le plus grand bonheur et, maintenant, il veut amener les Américains tourner chez nous. Pour son retour au cinéma québécois, il nous présenté L'appât, une comédie policière qu'il a tournée en 26 jours avec un budget de 5,4M$... mais ne lui parlez pas ni de budget, ni de miracle. Il a fait le film qu'il devait faire.
Un jeune réalisateur nous a quittés pour aller apprendre. C'est un maître qui nous est revenu. Il nous parle de son film avec un grand bonheur et la passion du jeune débutant.
PAS ÉVIDENT DE FAIRE UN FILM AVEC 5,4 M$ EN 26 JOURS ?
Ce n'est pas de dire qu'on n'en a pas assez. C'est plutôt de faire le plus possible avec ce que nous avons entre les mains. Je n'ai jamais voulu approcher ce projet d'une manière négative à cause de son raison budget. J'avais un duo d'enfer, un scénario qui se tenait et une équipe exceptionnelle autour de moi, donc toute cette belle énergie se transmet durant le tournage et après, lorsqu'on regarde le film. J'ai opté pour un film très rythmé où chaque scène fut tournée comme une scène d'action, même les dialogues. Ça devient comme un tour du manège et que du plaisir pour ceux qui décident d'embarquer dans l'aventure avec nous. C'est comme cela que ça été conçu.
L'EXPÉRIENCE QUE VOUS AVEZ A DÛ AIDER À FAIRE FACE AUX OBSTACLES D'UN TEL TOURNAGE ?
Je dirais que tous les trucs de ma besace ont été utilisés. Nous nous sommes servis des effets spéciaux d'Hybride dès l'ouverture du film, l'écran vert qui permet d'amener le personnage dans un château européen alors que nous avons tourné cela à Montréal. Hybride sont des gens de très haut calibre. Je donne une mention aux experts qui ont travaillé avec moi, Guy Dufaux directeur photo avec qui j'avais fait mon premier film 35 mm; Richard Comeau au montage, au son Mario Auclair, Marcel Pothier et Gavin Fernandes, Mario Davignon aux costumes, Michel Proulx le concepteur visuel, Normand Corbeil à la musique... une grande équipe, car il y a tant de talent, ici, chez nous. Le premier matin de tournage, lorsque j'ai vu l'équipe que j'avais avec moi, je savais que je pouvais demander des choses très difficiles et que tout allait bien aller.
LA SCÈNE DONT VOUS ÊTES LE PLUS FIER?
L'idée pour moi est de ressentir à la fin du film qu'il nous manque rien. Ce n'est pas une question d'argent pour moi et les cinéphiles qui regardent le film ne posent pas cette question-là. J'ai voulu offrir aux gens un beau tour de manège de 90 minutes. Les gens avec qui j'ai vu le film ce soir à Gatineau ont bien ri et c'est tout ce qui compte. Ce fut une belle récompense de voir mon film avec le public. Chaque rire m'allait au coeur et les gens se sont levés à la fin. C'est une belle folie. C'est une comédie qui transcende les modèles avec la présentation de l'aspect ethnique du Québec et ça donne un rythme infernal.
C'ÉTAIT IMPORTANT POUR VOUS DE MONTRER CE CÔTÉ ETHNIQUE DU QUÉBEC?
Oui, ça m'a frappé lorsque je suis revenu vivre au Québec. Au point où je voulais le mettre dans le film. Les acteurs qui ont joué ces personnages étaient très contents qu'on leur donne la chance d'être comiques dans leur propre univers, pas avoir de doutes, d'y aller à fond.
SERGE DUPIRE, VOUS AVIEZ DÉJÀ TOURNÉ AVEC LUI?
Dans ma série Napoléon, il avait tourné avec moi. Et c'est un acteur formidable, qui est d'une grande subtilité, qui passe du dramatique au comique. Il a des scènes avec Maxim Roy tout à fait délectables. Quant à Maxim Roy... elle a une justesse dans son jeu à tous les niveaux.
ET M. BADOURI, VOTRE DÉTECTIVE VENTURA?
Rachid, c'est comme s'il avait toujours fait cela. Incroyable, sa performance! Il a une carrière certaine qui va déborder toutes les frontières. Il va aller loin. Je l'ai vu dès les premières minutes que j'ai tourné avec lui. Il vous donne ce genre d'élan qui ne trompe pas.
QUELLE EST SA FORCE?
Il est magique, ce gars-là. Ce n'est pas un humoriste qui fait un numéro dans ce film, mais un acteur qui crée un personnage. Dès qu'un acteur est en contrôle de son personnage, les gens s'abandonnent. Tous les acteurs ont réussi à le faire et c'est formidable. Pour Ventura, j'ai tout de suite pensé à Rachid Badouri.
DONC, POUR VOUS, UN HUMORISTE PEUT ÊTRE UN BON ACTEUR?
Il y a des gens qui sortent des écoles et qui ne sont pas de très bons acteurs, d'autres sont fantastiques... les deux sont possibles. En voyant le spectacle de Rachid, j'ai vu qu'il était un acteur et qu'il était en contrôle. Par la suite, on a ajusté le personnage pour lui et nous étions prêts.
IL SERA OÙ RACHID DANS DIX ANS?
Il n'a pas de limite. Il a une belle expérience de vie, un code d'éthique incroyable, un gros travailleur et de belles valeurs. Il est curieux de nature et un désir d'aller le plus loin possible. Je lui prédis un avenir très, très prometteur, très flamboyant. C'est en plus une bonne personne. Si tout cela se conserve à travers tout ce qu'il va vivre au cours des prochaines années, il sera super intéressant à voir aller.
Yves Simoneau fera un projet pilote pour ABC en janvier. Et il a plusieurs autres projets sur la table, tant en cinéma qu'en télévision. Son rêve est de continuer à amener les grosses productions sur lesquelles il travaille sur son territoire, au Québec, avec le talent d'ici. Il n'a pas tourné au Québec depuis Dans le ventre du dragon en 1989.