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La vie réelle des agriculteurs
Marécages
Publié le 11 octobre 2011 Le moins qu'on puisse dire, c'est que Guy Édoin s'est assuré de ne laisser personne indifférent avec son premier long métrage, Marécages. Suite logique de sa trilogie de courts métrages Les affluents, ce drame poignant et sombre, acclamé sur le circuit des festivals, présente avec un réalisme cru l'éreintante vie sur une ferme.
On serait ici bien malvenu de crier à l'imposture, puisque Édoin a effectivement connu les hauts et les bas de la vie agricole au cours de son enfance. C'est d'ailleurs la ferme familiale, que ses parents exploitent toujours à Saint- Armand, en Estrie, qui a servi de plateau de tournage à Marécages.
«Un des désirs de ce scénario était de montrer une réalité moderne de l'agriculture, de la dépoussiérer de son côté folklorique, de Séraphin et les Belles histoires des pays d'En-Haut», dit le cinéaste dans la jeune trentaine.
Marécages nous présente un couple, Jean et Marie (joués par Luc Picard et Pascale Bussières), qui vit le deuil d'un enfant tout en affrontant une sécheresse qui menace la récolte. Leurs rapports avec leur autre fils, Simon (Gabriel Maillé), qui se questionne sur son orientation sexuelle, sont aussi difficiles.
Leur existence déjà laborieuse prend une tournure encore plus tragique quand Jean meurt sous les yeux de son fils, écrasé par un véhicule de ferme.
INSPIRÉ DE FAITS RÉELS
Tout en se défendant d'avoir mis en scène une autobiographie, Guy Édoin souligne que plusieurs éléments de son film sont véridiques, par exemple l'accident, qu'a réellement subi son père.
«Quand on a élaboré la mise en scène, mes parents étaient là pour savoir avec quel véhicule on devait travailler pour recréer la scène de la façon la plus réaliste possible», raconte-t-il.
Même chose pour la scène, jouée avec une étonnante justesse, du vêlage d'une vache, dans laquelle Bussières et Picard vont chercher le veau à l'intérieur de l'animal, comme de vrais éleveurs.
«Cette scène est une histoire de fou. On avait quinze vêlages durant l'été, donc quinze fenêtres possibles pour filmer la scène. Mais comme il a fait très chaud tout l'été, les vaches vêlaient la nuit ou les fins de semaine. Il en restait finalement qu'une et, à la base, on voulait que Pascale, Luc et Gabriel assistent à un vrai vêlage. Finalement, il n'y a que Gabriel qui a pu le faire. Ils se sont lancés là-dedans. The show must go on. On n'avait pas le choix, c'était notre dernier vêlage. En plus, c'est une scène dramatique. J'en suis très fier.»
DES MONUMENTS
Soucieux d'insuffler un maximum de réalisme au récit, Guy Édoin reconnaît qu'il n'avait pas en tête les noms de Luc Picard et de Pascale Bussières au départ. Ils souhaitaient embaucher des acteurs moins connus.
«Mais en cours de route, on s'est rendu compte que le film était une telle tragédie que ça prenait des monuments pour incarner ces personnages.
«On a alors eu l'idée de Pascale. Je l'ai rencontrée et ce fut un coup de coeur mutuel, même si, au départ, elle a refusé de jouer dans le film, parce qu'elle trouvait ça très impliquant émotionnellement. Quand on s'est rencontrés, une relation de confiance s'est établie. Puis, est venue l'idée de Luc. Quand j'ai vu les photos l'une à côté de l'autre, je me suis dit: wow! quel couple extraordinaire qu'on n'a jamais vu !»
SANS CENSURE
Même si son film a reçu un accueil enthousiaste à Venise et à Toronto entre autres, le cinéaste reconnaît qu'il n'est «pas pour tout le monde» en raison de son côté très sombre.
«Pour un premier long métrage, estime Édoin, je pense qu'on a le devoir de n'avoir aucune censure et d'aller au bout de nos idées. Oui, le film est noir, mais la vie n'est pas plus facile dans certaines conditions et pour certaines personnes. Donc, je suis conscient que le film n'est pas pour tout le monde. Mais pour l'avoir présenté dans des festivals à du vrai monde, le film bouleverse et touche. Les gens en sortent habités et, à ce niveau, je considère que j'ai fait mon travail.»
Cela dit, les histoires de ferme, c'est terminé pour Édoin, qui exprime le désir de passer à autre chose. Quoi? L'adaptation du roman de l'auteur québécois La canicule des pauvres, de Jean-Simon Desrochers.
«C'est très urbain, très trash. Ça se passe dans le red light de Montréal, avec des prostituées, des gens pauvres. C'est totalement à l'opposé de Marécages.»
COMME UNE TRAGÉDIE GRECQUE
Sans hésiter, Pascale Bussières classe son personnage de Marie parmi les rôles les plus tragiques qu'elle a joués depuis le début de sa carrière.
«Il y a beaucoup de douleurs, d'où le marécage, les eaux troubles, les couches souterraines. On est vraiment dans l'épreuve absolue», observe celle qui compare même Marécages à une tragédie grecque.
«Nous sommes presque dans des archétypes présents dans la tragédie grecque. Ces personnages sont prisonniers d'un destin qui est plus grand qu'eux, qui est incarné par la nature, par le côté cyclique et immuable de cette nature duquel ils sont prisonniers, mais qui est ici ce par quoi ils continueront d'exister», observe l'actrice qui en a pourtant vu d'autres, elle qu'on a vue dans la peau d'Alys Robi.
Mais la tragédie de Marie est telle - double deuil d'un enfant et d'un mari -, que Pascale Bussières a d'abord refusé la proposition de Guy Édoin.
«Un deuil lié à la perte d'un enfant, c'est un endroit où on ne veut pas aller comme mère. Dans ma tête, je n'avais pas envie d'aller jouer dans cette zone», dit celle qui a changé son fusil d'épaule quand elle a rencontré le cinéaste.
«J'ai vu que ce garçon était tellement habité par ce film. Il l'avait en lui, dans sa tête. J'avais vu ses courts métrages aussi. Il a une façon de filmer, de montrer, une pudeur, une économie de mots, mais en même temps, une façon frontale de filmer la vie. Tout ça avec énormément de poésie, de sincérité. J'ai été charmée et je me suis dit que je ne pouvais pas passer à côté de ça.»
DANS L'UTÉRUS DE LA VACHE
En compagnie de Luc Picard, Pascale Bussières a dû donner naissance, pour les besoins du tournage, à un veau en l'extirpant littéralement des entrailles de la vache. Comment a-t-elle vécu cette scène qui ne pouvait prétendre à aucun trucage?
«Je me suis relevé les manches et je me suis rentré le bras dans l'utérus d'une vache», s'esclaffe l'actrice, qui a finalement qualifié l'expérience de «tripante».
«C'est une fonction élémentaire et en même temps, ça comporte toute la poésie et la grandeur de la nature de l'existence. C'est vraiment fascinant. Je pense que Guy a réussi à capter ça dans toute sa poésie et sa simplicité.»
Les comédiens ont opéré sous le regard de la mère de Guy Édoin, qui les conseillait sur le plateau. «Elle était derrière la caméra et me dirigeait. C'est incroyable quand même. Elle dirigeait la naissance d'un veau dans le film de son fils sur leur vie de paysan. Je trouvais ça phénoménal, cette croisée des chemins qui appartient à la grâce.»
UN RÔLE... VERTIGINEUX!
Le tournage de Marécages a permis au jeune comédien Gabriel Maillé de découvrir qu'il souffre du vertige.
La première scène que l'adolescent de 15 ans devait tourner l'amenait à grimper dans un chêne, à une dizaine de mètres au-dessus du sol. «Techniquement, c'est une scène qui n'a pas été facile. Le vertige me prenait. J'avais l'impression que j'étais aspiré vers le sol et j'avais de la difficulté à bouger sur la branche», raconte celui qui a demandé qu'on procède rapidement à la prise pour pouvoir retourner sur la terre ferme.
Maillé, qu'on a pu voir précédemment dans C'est pas moi, je le jure! et 1981, campe un adolescent tourmenté, prisonnier de ses émotions, et qui est le bouc émissaire de ses parents.
«Déjà, être un adolescent, ce n'est pas toujours facile. Lui, en plus, vit sur une ferme, ce qui est un travail éprouvant qu'il n'aime pas vraiment. C'est un lunatique, quelqu'un de renfermé, qui garde tout en dedans», détaille le comédien.
On serait ici bien malvenu de crier à l'imposture, puisque Édoin a effectivement connu les hauts et les bas de la vie agricole au cours de son enfance. C'est d'ailleurs la ferme familiale, que ses parents exploitent toujours à Saint- Armand, en Estrie, qui a servi de plateau de tournage à Marécages.
«Un des désirs de ce scénario était de montrer une réalité moderne de l'agriculture, de la dépoussiérer de son côté folklorique, de Séraphin et les Belles histoires des pays d'En-Haut», dit le cinéaste dans la jeune trentaine.
Marécages nous présente un couple, Jean et Marie (joués par Luc Picard et Pascale Bussières), qui vit le deuil d'un enfant tout en affrontant une sécheresse qui menace la récolte. Leurs rapports avec leur autre fils, Simon (Gabriel Maillé), qui se questionne sur son orientation sexuelle, sont aussi difficiles.
Leur existence déjà laborieuse prend une tournure encore plus tragique quand Jean meurt sous les yeux de son fils, écrasé par un véhicule de ferme.
INSPIRÉ DE FAITS RÉELS
Tout en se défendant d'avoir mis en scène une autobiographie, Guy Édoin souligne que plusieurs éléments de son film sont véridiques, par exemple l'accident, qu'a réellement subi son père.
«Quand on a élaboré la mise en scène, mes parents étaient là pour savoir avec quel véhicule on devait travailler pour recréer la scène de la façon la plus réaliste possible», raconte-t-il.
Même chose pour la scène, jouée avec une étonnante justesse, du vêlage d'une vache, dans laquelle Bussières et Picard vont chercher le veau à l'intérieur de l'animal, comme de vrais éleveurs.
«Cette scène est une histoire de fou. On avait quinze vêlages durant l'été, donc quinze fenêtres possibles pour filmer la scène. Mais comme il a fait très chaud tout l'été, les vaches vêlaient la nuit ou les fins de semaine. Il en restait finalement qu'une et, à la base, on voulait que Pascale, Luc et Gabriel assistent à un vrai vêlage. Finalement, il n'y a que Gabriel qui a pu le faire. Ils se sont lancés là-dedans. The show must go on. On n'avait pas le choix, c'était notre dernier vêlage. En plus, c'est une scène dramatique. J'en suis très fier.»
DES MONUMENTS
Soucieux d'insuffler un maximum de réalisme au récit, Guy Édoin reconnaît qu'il n'avait pas en tête les noms de Luc Picard et de Pascale Bussières au départ. Ils souhaitaient embaucher des acteurs moins connus.
«Mais en cours de route, on s'est rendu compte que le film était une telle tragédie que ça prenait des monuments pour incarner ces personnages.
«On a alors eu l'idée de Pascale. Je l'ai rencontrée et ce fut un coup de coeur mutuel, même si, au départ, elle a refusé de jouer dans le film, parce qu'elle trouvait ça très impliquant émotionnellement. Quand on s'est rencontrés, une relation de confiance s'est établie. Puis, est venue l'idée de Luc. Quand j'ai vu les photos l'une à côté de l'autre, je me suis dit: wow! quel couple extraordinaire qu'on n'a jamais vu !»
SANS CENSURE
Même si son film a reçu un accueil enthousiaste à Venise et à Toronto entre autres, le cinéaste reconnaît qu'il n'est «pas pour tout le monde» en raison de son côté très sombre.
«Pour un premier long métrage, estime Édoin, je pense qu'on a le devoir de n'avoir aucune censure et d'aller au bout de nos idées. Oui, le film est noir, mais la vie n'est pas plus facile dans certaines conditions et pour certaines personnes. Donc, je suis conscient que le film n'est pas pour tout le monde. Mais pour l'avoir présenté dans des festivals à du vrai monde, le film bouleverse et touche. Les gens en sortent habités et, à ce niveau, je considère que j'ai fait mon travail.»
Cela dit, les histoires de ferme, c'est terminé pour Édoin, qui exprime le désir de passer à autre chose. Quoi? L'adaptation du roman de l'auteur québécois La canicule des pauvres, de Jean-Simon Desrochers.
«C'est très urbain, très trash. Ça se passe dans le red light de Montréal, avec des prostituées, des gens pauvres. C'est totalement à l'opposé de Marécages.»
COMME UNE TRAGÉDIE GRECQUE
Sans hésiter, Pascale Bussières classe son personnage de Marie parmi les rôles les plus tragiques qu'elle a joués depuis le début de sa carrière.
«Il y a beaucoup de douleurs, d'où le marécage, les eaux troubles, les couches souterraines. On est vraiment dans l'épreuve absolue», observe celle qui compare même Marécages à une tragédie grecque.
«Nous sommes presque dans des archétypes présents dans la tragédie grecque. Ces personnages sont prisonniers d'un destin qui est plus grand qu'eux, qui est incarné par la nature, par le côté cyclique et immuable de cette nature duquel ils sont prisonniers, mais qui est ici ce par quoi ils continueront d'exister», observe l'actrice qui en a pourtant vu d'autres, elle qu'on a vue dans la peau d'Alys Robi.
Mais la tragédie de Marie est telle - double deuil d'un enfant et d'un mari -, que Pascale Bussières a d'abord refusé la proposition de Guy Édoin.
«Un deuil lié à la perte d'un enfant, c'est un endroit où on ne veut pas aller comme mère. Dans ma tête, je n'avais pas envie d'aller jouer dans cette zone», dit celle qui a changé son fusil d'épaule quand elle a rencontré le cinéaste.
«J'ai vu que ce garçon était tellement habité par ce film. Il l'avait en lui, dans sa tête. J'avais vu ses courts métrages aussi. Il a une façon de filmer, de montrer, une pudeur, une économie de mots, mais en même temps, une façon frontale de filmer la vie. Tout ça avec énormément de poésie, de sincérité. J'ai été charmée et je me suis dit que je ne pouvais pas passer à côté de ça.»
DANS L'UTÉRUS DE LA VACHE
En compagnie de Luc Picard, Pascale Bussières a dû donner naissance, pour les besoins du tournage, à un veau en l'extirpant littéralement des entrailles de la vache. Comment a-t-elle vécu cette scène qui ne pouvait prétendre à aucun trucage?
«Je me suis relevé les manches et je me suis rentré le bras dans l'utérus d'une vache», s'esclaffe l'actrice, qui a finalement qualifié l'expérience de «tripante».
«C'est une fonction élémentaire et en même temps, ça comporte toute la poésie et la grandeur de la nature de l'existence. C'est vraiment fascinant. Je pense que Guy a réussi à capter ça dans toute sa poésie et sa simplicité.»
Les comédiens ont opéré sous le regard de la mère de Guy Édoin, qui les conseillait sur le plateau. «Elle était derrière la caméra et me dirigeait. C'est incroyable quand même. Elle dirigeait la naissance d'un veau dans le film de son fils sur leur vie de paysan. Je trouvais ça phénoménal, cette croisée des chemins qui appartient à la grâce.»
UN RÔLE... VERTIGINEUX!
Le tournage de Marécages a permis au jeune comédien Gabriel Maillé de découvrir qu'il souffre du vertige.
La première scène que l'adolescent de 15 ans devait tourner l'amenait à grimper dans un chêne, à une dizaine de mètres au-dessus du sol. «Techniquement, c'est une scène qui n'a pas été facile. Le vertige me prenait. J'avais l'impression que j'étais aspiré vers le sol et j'avais de la difficulté à bouger sur la branche», raconte celui qui a demandé qu'on procède rapidement à la prise pour pouvoir retourner sur la terre ferme.
Maillé, qu'on a pu voir précédemment dans C'est pas moi, je le jure! et 1981, campe un adolescent tourmenté, prisonnier de ses émotions, et qui est le bouc émissaire de ses parents.
«Déjà, être un adolescent, ce n'est pas toujours facile. Lui, en plus, vit sur une ferme, ce qui est un travail éprouvant qu'il n'aime pas vraiment. C'est un lunatique, quelqu'un de renfermé, qui garde tout en dedans», détaille le comédien.