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Le capitalisme aveugle

Le Vendeur

Publié le 7 novembre 2011
© Le journal de Montréal - Le vendeur prend donc finalement l'affiche au Québec, après avoir voyagé pendant près d'un an dans les festivals du monde.
C'est en voyant la crise économique de 2008 poindre à l'horizon que le cinéaste Sébastien Pilote a écrit son premier long métrage, Le vendeur, un drame réaliste campé dans une petite ville mono-industrielle rongée par la fermeture temporaire de l'usine du coin.

Mettant en scène un doué vendeur de voitures en fin de carrière (Gilbert Sicotte), le film du réalisateur québécois brosse le portait d'une société capitaliste insouciante qui continue de consommer aveuglément même quand tout s'écroule autour d'elle.

«On pourrait croire que le film a été écrit en réaction à la crise de 2008, mais en fait, je l'ai écrit avant, en voyant ce qui s'en venait, explique Sébastien Pilote, rencontré la semaine dernière à Montréal.

«J'avais l'impression qu'on se dirigeait vers cela et je voulais parler de mon malaise par rapport au fait qu'on fonçait tous vers un mur économique ou social, et qu'on ne faisait rien pour l'éviter.

«Je suis convaincu que si un astéroïde se dirigeait tout droit vers la Terre, cinq minutes avant qu'il ne percute la planète, il y aurait encore des gens qui mettraient de l'essence dans leur «pick up» (camionnette), ajoute le cinéaste. Il est là, mon malaise. Les gens n'y croient pas. Donc, quand ça arrive, ça frappe très fort.»

DURE RÉALITÉ

Le scénario a été construit autour du personnage principal d'un court métrage de Sébastien Pilote, Dust Bowl Ha! Ha!, qui s'était illustré, il y a quelques années, sur le circuit des festivals internationaux. Le film s'articulait autour d'un homme qui avait perdu son travail à la suite de la fermeture d'une usine.

Dans Le vendeur, on retrouve ce personnage baptisé François Paradis, qui, malgré la fermeture temporaire de l'usine qui l'emploie, se laisse tenter par l'achat d'une nouvelle voiture.

«C'est le même personnage, mais cette fois, je voulais le montrer avec le regard et le point de vue du vendeur de voitures, indique le jeune réalisateur. «En orientant cette fois l'histoire sur le vendeur de voitures, je voulais montrer quelqu'un qui ne sait plus trop pourquoi il fait son travail. Il vend des autos, mais il n'est pas conscient de tout ce que cela implique.

«Il y avait bien sûr là un défi de rendre sympathique un vrai vendeur d'autos. Ce sont des gens qui racontent des histoires, des acteurs, qui appellent tout le monde «mon ami». C'est aussi quelqu'un qui fait partie intégrante de la société de consommation.»

Sébastien Pilote habite au Saguenay où les fermetures d'industries font régulièrement l'objet de manchettes dans les journaux. Il a voulu filmer cette réalité qui le touche particulièrement à partir d'une histoire fictive, mais avec une approche très documentaire.

«Je crois, comme Cassavetes (acteur, scénariste et réalisateur américain), que j'aime beaucoup, qu'on a besoin d'aller au cinéma pour nous ramener les deux pieds sur terre, observe le cinéaste.

«C'est ce genre de film que je voulais faire. Ce n'est pas du divertissement. C'est un cinéma qui montre une réalité et une certaine humanité. Pour moi, ce qui est important, c'est que le film trotte dans la tête des gens. J'aime les films qu'on regarde sans savoir si on aime ça, mais le film nous reste en tête et on y repense le lendemain et on a le goût de le revoir pour une raison ou une autre. J'aime ces films qui ont une résonance et qui laissent une forte impression.»

QUINZAINE DE FESTIVALS

Le vendeur prend donc finalement l'affiche au Québec, après avoir voyagé pendant près d'un an dans les festivals du monde. Lancé à Sundance, en Utah, en janvier dernier, le film de Sébastien Pilote a été présenté depuis dans une quinzaine de festivals dont ceux de Los Angeles, de Boston et de Mumbai en Inde, où il a remporté le Grand Prix du jury et le prix d'interprétation masculine (remis à Gilbert Sicotte) «Ma surprise, c'est que je pensais avoir fait un film qui s'illustrerait d'abord en Europe, admet Sébastien Pilote.

«Je ne suis pas vraiment attiré par Hollywood, mais finalement, je constate que le film trouve écho aux États-Unis. Je suis allé le présenter trois fois à Hollywood, je suis allé à Sundance. Il va être présenté bientôt à Denver au Colorado...

«J'ai appris en allant présenter le film là-bas que les États-Unis ont été frappés plus qu'on le pense par la crise. Après les projections, il y a des hommes qui venaient me parler, les yeux rouges et la voix coupée par l'émotion. Ils avaient été émus par le film et me disaient que c'était comme ce qu'ils avaient vécu dans leur ville. Cela m'a beaucoup touché.»

Le vendeur prend l'affiche le vendredi 11 novembre.
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