Le combat de Charles-Olivier Michaud

Tourner un drame de guerre pour son premier film sans avoir recours à l'aide financière des institutions a été un combat de tous les instants, mais aussi une école formidable pour le réalisateur de Neige et cendres, Charles-Olivier Michaud.

«Il n'y a rien de ce que j'ai vécu sur le film qu'on m'avait dit à l'école», lance ce diplômé de la Los Angeles Film School, qui a eu le temps de tourner le film Sur le rythme avant que Neige et cendres (Snow and Ashes) aboutisse sur les écrans.

Neige et cendres, qui met en vedette l'acteur américain Rhys Coiro (24, Entourage) a été tourné en anglais dans la région de Québec et à Valleyfield au printemps 2009, avec un budget se rapprochant davantage de celui de Blair Witch Project que d'Avatar blague Michaud.

«Il y a tellement eu de moments où on pensait que tout allait tomber, et puis quelqu'un sortait du bois pour nous aider. Par exemple, on cherchait un endroit pour loger notre équipe de tournage à Québec. Nous n'avions nulle part où aller. J'ai rencontré le maire Labeaume. Il m'a demandé ce dont j'avais besoin. Je lui ai dit qu'on aimerait ne pas avoir besoin de permis pour tourner. Pas de problème. On a besoin de génératrice? Pas de problème. J'ai dit ensuite que nous n'avions pas d'endroit pour notre équipe de 35 personnes où dormir pendant un mois. Il a fait quelques téléphones et, deux heures plus tard, Alain Girard, du Château Laurier, nous a appelés et il nous a ouvert ses portes. C'était inattendu.»

De même, une semaine avant le tournage, l'équipe a appris que l'usine de balles de Valcartier, où plusieurs scènes devaient être tournées, n'était plus accessible puisqu'elle faisait partie du recours collectif sur l'eau contaminée à Shannon.

«Nous avons dû réagir et, par chance, un Bon Dieu veillait sur nous. David-Alexandre (Coiteux) et Éric (Mantion), les deux autres producteurs avec moi, sont allés manger chez la grand-mère d'Éric à Valleyfield. Ils ont dit qu'ils avaient besoin d'un endroit désaffecté, et la grand-mère leur a suggéré d'aller voir derrière chez elle, où il y avait une vieille usine délabrée de trophées qui convenait parfaitement.»

LE CÔTÉ DES JOURNALISTES

Neige et cendres suit le parcours de deux journalistes de guerre qui couvrent un conflit en Europe de l'Est. À son retour à Québec, après avoir passé plusieurs jours dans le coma, Blaise (Rhys Coiro) constate que son partenaire David (David-Alexandre Coiteux) n'est pas rentré avec lui. Il tente alors de refaire le fil des événements pour tenter d'expliquer sa disparition.

Séduit par le scénario, David-Alexandre Coiteux a sauté à pieds joints dans le projet, acceptant d'y investir des dollars et son talent de comédien.

«On voit souvent des films où ce sont des soldats qui reviennent de la guerre et souffrent du syndrome post-traumatique. J'ai trouvé intéressante l'idée que ce soit des journalistes. On voit rarement ces fameux journalistes qui sont des junkies d'adrénaline. Ils ne sont pas payés, ces gars-là. J'ai fait de la recherche avec Reporters sans frontières, et le film, c'est la réalité. Ils vont squatter pendant des jours pour essayer de prendre LA photo, d'avoir l'entrevue», dit-il.

RHYS COIRO, UN PRO!

Autant Charles-Olivier Michaud que David-Alexandre Coiteux reconnaissent que l'embauche de Rhys Coiro leur a donné «le déclic» nécessaire pour amorcer le tournage.

«Au début, nous avions pensé aller chercher un autre acteur québécois. Mais nous avons contacté un directeur de casting de Los Angeles et on a eu de l'intérêt de certains acteurs. Luke Perry était intéressé. Finalement, Rhys a appelé directement Charles. Je me souviens, nous étions dans le bureau ensemble. Ça l'intéressait, il a aimé l'écriture. C'est une belle surprise», se remémore Coiteux.

L'implication de Coiro a finalement dépassé les plus folles espérances des deux Québécois. «Il est arrivé une semaine avant le tournage. Je ne le connaissais pas et il aurait pu être un gars difficile à travailler. Au contraire, il est tellement cool, simple et généreux. Et c'est tout un acteur. J'ai rarement été impressionné par un acteur comme je l'ai été par lui», dit Michaud.

«Nous avons été dans la neige pendant cinq semaines et il ne s'est pas plaint une seconde. Il est vraiment professionnel», renchérit David- Alexandre Coiteux.

Pas facile de dénicher un distributeur

Neige et cendres a eu beau collectionner les prix dans les festivals, cela n'a pas rendu la tâche de ses producteurs plus facile quand est venu le temps de dénicher un distributeur pour sortir le film sur les écrans québécois.

«J'ai envoyé le film à tous les distributeurs. Tous. Séville a démontré un intérêt, puis, je ne sais pas pourquoi, ils ont changé d'idée un mois et demi plus tard. On a pourtant gagné six ou sept prix et on a fait le tour du monde avec ce film», dit le coproducteur, David-Alexandre Coiteux.

Même s'il jure qu'il a toujours «eu la foi», le réalisateur, Charles-Olivier Michaud, avoue qu'il a pensé que jamais Neige et cendres ne trouverait de distributeur. «C'est rare qu'un film ne soit pas financé par les institutions, c'est en anglais et c'est quand même glauque, violent. Ce n'est pas un film populaire, mais plutôt un film d'auteur. J'ai pensé qu'il n'y aurait peut-être pas de distributeur qui le prendrait, mais j'aurais trouvé le moyen de le sortir moi-même avec mes partenaires», dit celui qui n'en est pas à un défi près.

Finalement, début 2011, Antoine Zeind, d'A-Z Films, a accepté de prendre le pari. Ne restait plus qu'à trouver la bonne date. Comme le récit se déroule en hiver, l'été se révélait peu approprié. Le 9 septembre s'est avéré le meilleur choix, d'autant plus que la sortie de Neige et cendres suivra ainsi de quelques semaines celle de Sur le rythme, le film de danse qu'a réalisé Michaud et dont la réalisation a été appréciée des critiques. «C'est un bon timing parce que Sur le rythme vient de sortir et on va essayer de profiter de cette vague médiatique», note David-Alexandre Coiteux.