<-Retour à toutes les nouvelles

Le grand bouleversement de Frédéric Dumont

Un ange à la mer

Publié le 15 octobre 2009
© kviff.com - Frédéric Dumont récompensé plus tôt au Festival de Karlovy Vary

Le réalisateur Frédéric Dumont était à Montréal cette semaine dans le cadre du Festival du nouveau cinéma, où il présente Un ange à la mer, une coproduction Québec-Belgique.
Le film raconte l'histoire de Louis, 12 ans, dont la famille s'est installée depuis peu au Maroc. Un jour, alors qu'il joue au foot, son père le fait venir dans son bureau à la maison afin de lui révéler un terrible secret. À partir de ce moment, la vie de Louis bascule, et avec elle toute la naïveté d'un gamin?

Un ange à la mer a été récompensé récemment au Festival de Karlovy Vary (Meilleur film et Meilleure interprétation masculine pour Olivier Gourmet). Nous avons discuté avec Frédéric Dumont.

PARLEZ-NOUS DE VOTRE EXPÉRIENCE AU FESTIVAL DE KARLOVY VARY, OÙ VOTRE FILM A REMPORTÉ LE GLOBE DE CRISTAL (MEILLEUR FILM)? 

C'était mon premier festival. Je n'y croyais pas en fait. Je croyais que mon film était honnête, et puis voilà. Et après j'ai rencontré les membres du jury qui m'ont dit que c'était unanime. Ça m'a donné une confiance énorme en fait dans mon métier. Et pour la suite aussi, j'ai écrit un nouveau scénario. Ça m'a donné vraiment une impulsion. Je sais que je suis capable de mener ça à bien, d'inventer une histoire et puis voilà on verra pour la suite, c'est pas une garantie.


COMMENT LE PUBLIC A-T-IL RÉAGI À VOTRE FILM?

Le public est bouleversé en fait, chaque fois; retourné, bouleversé, très ému. J'ai eu un cas, à Karlovy Vary et [au Festival] à Namur et dans la projection privée que j'ai eue pour mes amis à Bruxelles: chaque fois un homme ou une femme est venu en me disant «vous m'avez sauvé la vie, je me rends compte que je suis malade, que je maltraite mes enfants psychologiquement, je veux arrêter ça». Pour moi c'est très important, je ne fais pas du cinéma pour changer le monde, je fais du cinéma pour bouleverser et pour poser des questions. Et là que ces personnes viennent vers moi pour me dire «j'ai compris», ça c'est génial. Rien que pour ces quatre personnes qui sont venues vers moi, j'ai réussi mon métier, j'ai réussi mon but!

LE DOSSIER DE PRESSE INDIQUE QUE VOUS AVEZ FAIT SEPT ANS DE RECHERCHE POUR CE FILM...

C'est plutôt 10 ans. J'ai commencé en 1999 à écrire un scénario sur l'histoire de deux frères adultes de 20 et 21 ans qui retournaient au Maroc pour comprendre ce qui s'est passé. Ce n'était pas bien. Et puis en 2001, j'ai finalement compris pourquoi je faisais ça. Ce film est basé sur une histoire personnelle qui m'est arrivée; à 12 ans mon père m'a appelé dans son bureau et il m'a dit le secret qu'il y a dans le film? Et cette «séquence», elle est filmée comme tel dans le film. C'est la seule séquence réelle du film, 100% réelle. Et puis j'ai fait un scénario à partir de ça, et tout ce qui est autour de cette séquence-là est un mélange de fiction et de souvenirs enfouis depuis 30 ans qui ont changé et évolué avec le temps. Donc c'est de la fiction pour moi. Mais je ne le cache pas, c'est un film basé sur une histoire personnelle.


FAIRE CE FILM VOUS A-T-IL LIBÉRÉ D'UN POIDS, VOUS A-T-IL PERMIS DE FERMER CETTE HISTOIRE PERSONNELLE?

Je l'avais fait avant, j'ai fermé cette histoire avant. Par contre, ça m'a libéré au niveau artistique. J'ai travaillé 10 ans sur le film, mes copains me disaient «abandonne, fais autre chose, écris des scénarios, il y a d'autres histoires, d'autres idées». J'ai eu plein d'idées, mais je n'ai jamais réussi à le faire. J'écrivais des pages et des pages et des pages, et c'était vraiment de la merde. En 2006 je me suis dit «Fred, il n'y a rien à faire, ce film sera ton premier film, où si tu ne le fais pas tu ne feras plus de cinéma ». J'ai fait le film, j'ai fini il y a moins d'un an, et j'ai déjà trois scénarios qui sont prêts. Ce fut une libération d'écriture.

QUEL RÔLE JOUE LE MAROC DANS VOTRE RÉCIT; CETTE HISTOIRE POURRAIT SE PASSER N'IMPORTE OÙ, NON?


Non, justement. J'ai vécu au Maroc pendant six ans [entre six et douze ans]. Le Maroc c'est mon pays. Et je trouvais que c'était intéressant de mettre cette famille au fin fond du sud du Maroc, pour ne pas qu'ils aient autour d'eux des amis ou de la famille. Je suis persuadé que si Louis avait eu un grand-père ou une grand-mère ou un cousin dans son entourage, il aurait dévoilé le secret, il l'aurait pas gardé pour lui, il l'aurait dit. Pour le forcer à ne pas dire le secret, c'était intéressant de l'isoler au Maroc. Et il a en face de lui l'océan et le désert derrière lui. Et les amis autour ne sont pas des amis intimes.

COMMENT A RÉAGI VOTRE FAMILLE APRÈS AVOIR VU LE FILM?

Tout le monde a réagi différemment. Ma mère m'a dit que c'était un documentaire sur notre famille. Mes grands frères ont trouvé que c'était une magnifique étude psychologique de notre famille; tous les rapports écrits comme eux l'imaginaient. Ma petite soeur et mon petit frère ont découvert notre père.


VOS PROCHAINS FILMS SUIVRONT-ILS LA MÊME DÉMARCHE?

Il y en a deux qui seront des films très durs, sur la relation père-fils. Je vais en faire trois là-dessus. J'ai un film qui se passera dans le Grand Nord, et un autre sur une prise d'otages familiale. Après, ce sera autre chose.


SEREZ-VOUS «FIDÈLE» À OLIVIER GOURMET?

Les deux prochains films sont écrits pour lui. Olivier Gourmet a été choisi dès le début, trois ans et demi avant qu'on tourne.

UN ANGE À LA MER EST UNE COPRODUCTION QUÉBEC-BELGIQUE; POURTANT ON VOIT TRÈS PEU PIERRE-LUC BRILLANT ET À PEINE LOUISE PORTAL. QUELLE PORTION DU FILM EST RESTÉE SUR LA TABLE DE MONTAGE? 

Il y en a énormément qui est resté sur la table de montage. On a tourné beaucoup de séquences avec Louise Portal et Pierre-Luc. On avait un montage de plus ou moins deux heures, et on chipotait, on tournait autour. On voulait la relation entre Louis et le père, et alors il y a les personnages secondaires qui arrivent. Alors on a essayé d'enlever les personnages secondaires, et là c'était 100 fois plus fort. C'était très douloureux pour moi; on rend le film plus beau, ou on fait un film où les personnages qui sont secondaires sont beaux, mais n'apportent rien à l'histoire? Alors j'ai décidé de couper. Louise l'a eu très dur, mais en même temps elle est très professionnelle, et quand elle a vu le film elle a dit «c'est beaucoup mieux comme ça, c'est beaucoup plus beau, c'est beaucoup plus fort». Et Pierre-Luc aussi.

CES SCÈNES SERONT-ELLES INCLUSES DANS LE DVD?

Je pense qu'on va le mettre, il y en a deux, trois très belles.

 

<-Retour à toutes les nouvelles
 
Lexique Conditions d'utilisation Politique de vie privée Copyright © Éléphant - Tous droits réservés