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Les vertus de l'Abitibi

La donation

Publié le 5 novembre 2009
© QMI - Bernard Émond

C'est en allant présenter La neuvaine au Festival du cinéma international à Rouyn- Noranda, et surtout en faisant le tour de la région pendant cinq jours, que le cinéaste Bernard Émond a senti l'appel de l'Abitibi.
«À voir les paysages, j'ai eu envie d'écrire. Je ne savais pas encore quelle serait l'histoire, mais je voyais le Dr Jeanne Dion. À la fin de La neuvaine, on sait qu'elle a décidé de vivre, mais on se dit qu'elle ne peut pas reprendre sa vie là où elle l'a laissée, à Montréal, avec son mari qui ne l'aime pas et l'urgence où tout le drame a commencé», explique le réalisateur au bout du fil.

Tout en précisant qu'il n'est pas nécessaire d'avoir vu le premier pour comprendre le dernier volet de la trilogie, Bernard Émond soutient que pour ceux qui ont vu les deux, La donation apparaît comme une réponse aux questions laissées en plan à la fin de La neuvaine.

Dans La donation, qui prend l'affiche vendredi, Jeanne Dion répond à l'annonce du Dr Rainville, médecin généraliste de Normétal qui cherche un remplaçant pour partir en voyage un mois.

En réalité, il prépare le terrain pour son successeur, mais n'a pas l'intention de partir sans s'assurer de laisser ses patients entre bonnes mains. Loin d'être sûre d'avoir envie de s'installer dans le village, le décès subit du vieux médecin oblige Jeanne à prolonger son séjour...


LA TRANSMISSION

«J'aime beaucoup l'Abitibi, et en particulier un documentaire de Gilles Groulx, tourné à Normétal en 1959, pendant que la mine était encore en activité. À cette époque, il y avait 3000 habitants. Aujourd'hui, ils ne sont plus que 900. Ce n'est pas une ville à l'abandon, mais on sent qu'il y a déjà eu une plus grosse activité. C'est comme une nostalgie profonde. Quand je suis arrivé à Normétal, pour moi, c'était comme une ville qui attendait son film. C'était un paysage fait pour moi», affirme le réalisateur.

«L'Abitibi, c'est sensible. Il y a des villages qui ont été défrichés il y a moins de 75 ans et qui sont en train de fermer. C'est fragile, la culture, l'histoire. La donation, c'est un film sur la perte et la transmission de connaissances d'une génération à l'autre», ajoute-t-il.

PURE LAINE, MAIS...

Bien que natif de Montréal, Bernard Émond dit être très attiré par les régions et les grands espaces.

«Je suis Montréalais pure laine, mais c'est peut-être parce que, du côté de ma mère, c'étaient des agriculteurs qui sont venus s'installer en ville. Il y a quelque chose dans la culture québécoise que l'on retrouve davantage dans les régions qu'à Montréal. Quelque chose du patrimoine d'origine. Le rythme de vie urbaine convient moins à mes films, du moins à ceux de la trilogie.

Contrairement à bien des gens de Montréal et à ce qu'on nous montre à la télé, je sais que la vie ne s'arrête pas de l'autre côté du pont Jacques-Cartier», lance le cinéaste, qui n'écoute la télé que pour le football.

Quant à savoir si le fait que les trois films de la trilogie, associés à trois vertus - La neuvaine (la foi), Contre toute espérance (l'espérance) et La donation (la charité) - reposent sur trois interprètes féminines soit un hasard, Bernard Émond souligne en riant que la vertu est féminine. «Je suis très à l'aise dans l'univers féminin et il y a toujours plusieurs femmes sur mes films, à l'écran comme dans l'équipe technique. J'aime et j'admire beaucoup les femmes», termine l'anthropologue de formation.


Élise Guilbault: loin de ses habitudes

Jeanne Dion, Estelle Poliquin, Réjeanne Carpentier. Trois personnages aussi éloignés l'un de l'autre que de leur interprète. C'est d'ailleurs ce qui passionne Élise Guilbault dans ce métier: créer des personnages différents... d'elle!

Si elle partage une complicité indéniable avec Bernard Émond, avec qui elle a tourné trois longs métrages - La femme qui boit, La neuvaine et La donation - Élise Guilbault souligne que le cinéaste l'oblige à travailler très fort, parce qu'il lui donne des personnages qui sont loin d'elle.

«Jouer avec autant de retenue, c'est un vrai travail, parce que je suis quelqu'un de plus expressif. Il faut aller dans l'infiniment petit pour exprimer de très grandes choses, mais j'aime ce qui m'éloigne de mes habitudes», analyse la comédienne en parlant du Dr Jeanne Dion, qu'elle avait interprétée d'abord dans La neuvaine et qu'elle reprend dans La donation.

«Pour moi, quand le clap se fait entendre à la fin du tournage, c'est terminé et j'aime bien passer à autre chose. Je ne carbure pas au passé et je n'entretiens pas de vie parallèle avec mes personnages, mais ce que me proposait Bernard était très particulier. Les retrouvailles avec Jeanne dans La donation se sont faites avec beaucoup de délicatesse et de patience.

«Pendant qu'il tournait Contre toute espérance, le deuxième volet de la trilogie, Bernard m'envoyait une scène à la fois par courriel. Il avait le goût certain de retrouver Jeanne. De voir le personnage évoluer tranquillement, de participer à sa construction, c'était très particulier, comme de tourner en Abitibi, d'être impliquée dans la quotidienneté des gens. J'ai connu des gens issus de familles si résistantes», raconte Élise Guilbault au cours d'une entrevue téléphonique.


DU CÔTÉ DE LA TÉLÉ?

Aussi éloignée d'elle, Estelle, la comédienne sur le déclin dans Les hauts et les bas de Sophie Paquin. «C'est un beau personnage, je l'adore. Des personnages de ce genre-là, avec ses extravagances, on voit ça beaucoup au théâtre. C'est vraiment de la tragi-comédie et de retrouver ça à la télé, c'est un grand privilège.»

Quant à Réjeanne Carpentier qu'elle incarne dans Yamaska, Élise Guilbault dit que c'est un personnage très attachant. «C'est une femme très malade qui revient d'une profonde dépression nerveuse et qui s'exprime avec beaucoup de violence. Je n'avais jamais eu l'occasion d'interpréter un personnage comme celui-là.

C'est aussi un personnage que j'adore, parce que je la sens souffrante. On ne sait pas exactement ce qui l'a amenée là, mais on va tout savoir plus tard. Si les jeunes n'avaient pas eu cet accident terrible, il y a bien des choses qui ne seraient pas arrivées. L'accident va faire éclater les choses. Les deux auteurs, Anne Boyer et Michel d'Astous, ont beaucoup d'attention et d'humanité pour leurs personnages. Il y a beaucoup de matière, beaucoup de souffle dans Yamaska; il y en a pour plusieurs années...», ajoute la comédienne, en vantant la qualité du texte et de la dramatisation.


Jacques Godin: de médecin à patient

 S'il a aimé tourner en Abitibi, Jacques Godin, qui interprète le vieux docteur Rainville dans La donation, dit avoir trouvé plus difficile de passer des journées complètes à l'hôpital.

«Le Dr Rainville, c'est un beau personnage, parce qu'il veut transmettre sa profession, son amour des gens de la place. Il est là depuis 35-40 ans, il en a vu naître plusieurs. On se dit qu'il a sûrement vécu des difficultés dans la vie, entre autres avec son fils placé en institution, mais il a quand même choisi de rester là-bas.

Il ne veut pas juste trouver un remplaçant, il veut quelqu'un qui va bien prendre sa place, quelqu'un dans son genre», insiste Jacques Godin en entrevue téléphonique.

«On a tourné sur place, à Normétal, dans un vrai hôpital. C'était bien, mais un peu démoralisant à la fin de chaque journée de tournage, quand tu vois les gens se promener toute la journée avec leur maladie, leur douleur... Même le bureau de consultation était dans une vraie clinique», ajoute le comédien, qui a beaucoup apprécié la sensibilité et la simplicité du réalisateur, Bernard Émond.

Se disant convaincu que le fait d'aider les gens dans le malheur nous fait oublier nos propres misères, Jacques Godin soutient que le civisme et l'entraide se perdent beaucoup dans le monde d'aujourd'hui.

«Tout va trop vite. On se retrouve confrontés à un certain égoïsme et on ne prend plus le temps de s'occuper des autres et de l'environnement, ça va nous amener à notre perte», poursuit Jacques Godin, qui milite depuis longtemps contre la cruauté envers les bêtes.

«On exploite la nature et les animaux, on est en train de tuer la Terre et l'humanité», signale l'acteur, qui a d'ailleurs monté un petit spectacle sur le sujet.

«Il y a des textes et des chansons que j'ai écrits, mais j'ai fait appel à Pierre Légaré pour en écrire d'autres. C'est de l'humour noir, mais c'est moins lourd», soutient le comédien, que l'on verra également l'hiver prochain dans Une belle mort, dans lequel il interprète le père de famille pris de Parkinson rigide.

Réalisé par Léa Pool, le film est adapté du roman du journaliste Gil Courtemanche.

 

 

 

 

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