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Sexe, tourments et dialogues

Nuit#1

Publié le 12 décembre 2011
© K-Films Amérique - Catherine de Léan et Dimitri Storoge

TORONTO - Anne Émond ne manque pas de culot. Nuit #1, son premier long métrage, s'amorce sur une longue scène de sexe explicite pour se transformer en une série de monologues livrés par deux âmes tourmentées. Bien accueilli sur le circuit des festivals, son film s'apprête à passer le test de la sortie en salle au Québec.

Nuit #1, qui prend l'affiche le 16 décembre, ne compte que deux personnages, Nikolaï (Dimitri Storoge) et Clara (Catherine de Léan). Après s'être croisés dans un party rave, ils tombent dans les bras l'un de l'autre chez Nikolaï. Un one-night classique, présenté avec un réalisme déroutant (Clara va aux toilettes en plein milieu des ébats).

«Je n'ai pas fait ce film pour choquer. Et je n'ai pas l'impression que c'est très choquant. Peut-être un peu cru, mais je ne pense pas que ça va soulever les foules», se défend Anne Émond, rencontrée au Festival de Toronto en septembre.

Une fois les corps repus, Nikolaï refuse que Clara parte sans demander son reste. Les angoisses de ces deux écorchés de la vie feront alors surface, alors qu'ils prennent la parole à tour de rôle, évacuant toutes leurs frustrations et leur mal de vivre.

«J'ai voulu le construire comme des monologues. Ces deux personnes sont tellement perdues et déshumanisées. Elles ne se connaissent tellement pas elles-mêmes qu'elles sont incapables de dialoguer entre elles. Elles sont capables de faire du sexe, mais ne peuvent échanger», dit celle qui s'est inspirée de son vécu pour écrire le scénario de Nuit #1.

«Ce sont des choses que moi et mon cercle d'amis vivions. J'ai presque 30 ans, mais je l'ai écrit à 27 ans. Je trouvais qu'on était vraiment jeunes dans nos têtes, vraiment perdus pour des gens de cet âge. J'ai eu envie de parler de ça parce que tout le monde passe par là à un moment donné. Évidemment, ce n'est pas tout le monde qui est aussi sombre. C'est un peu une photo Polaroid d'une époque. C'est le portait d'un moment dans une vie», confie celle qui a dit avoir écrit dans l'urgence.

«C'est ça que j'ai à dire maintenant et je l'ai écrit rapidement. Je n'ai pas pensé à ça, pas plus que je n'ai pensé au fait que c'est un "dénudement" pour moi aussi. Ce sont des acteurs qui le font, mais c'est moi qui l'ai écrit. J'avais pas vraiment pensé au fait que ma mère allait le voir.»

RÉCEPTION RASSURANTE

À Toronto, la cinéaste ne se gênait pas pour exprimer son désir que les cinéphiles se déplacent pour voir Nuit #1.

«Il y a toujours ce vieux problème de distribution des films d'auteur au Québec. J'aimerais qu'il y ait un box-office. Je pense qu'il faut être pris en otage par ce film parce qu'il est difficile. C'est cru, tendre, ça demande un souffle. C'est bien de le voir dans une salle. Tu t'assois, tu ne vas pas voir tes e-mails ou te faire un café. T'écoutes ces deux personnes parler.»

Chose certaine, la réception dans les festivals a de quoi la rassurer. Le film a remporté plusieurs prix, été acheté dans quatre pays et, surtout, a touché un vaste auditoire, observe Anne Émond, à qui le Journal a reparlé ces derniers jours.

«Au-delà des prix, je trouve que la réception du public a été chaleureuse. J'avais l'impression d'avoir fait un film audacieux dans la forme. Ça rejoint des gens de tous les âges beaucoup plus que je ne le pensais.»

Elle affirme avoir vu des gens essuyer une larme dans les séances de questions et réponses qui suivent les projections dans les festivals.

«Pour moi, c'est positif. Je ne voulais pas faire un film cérébral, très intellectuel. Je voulais aller chercher les gens. J'ai l'impression que ça fonctionne. Il y a un moment où je me suis demandé si j'avais fait un film pour mes 10 meilleurs amis à Montréal, qui sont dans la vingtaine et la trentaine. Mais même des gens plus âgés, des hommes de 70 ans, m'ont dit qu'on peut vivre des crises existentielles à tous les âges.»

LE PARCOURS DE NUIT #1

    Mention spéciale TIFF, Meilleur Premier Film canadien
    Sélection Festival de Pusan (Corée)
    Prix du Meilleur Film canadien VIFF
    Prix de l'Innovation Daniel Langlois FNC
    Grand Prix du Jury, meilleur film, Festival de Tübingen (Allemagne)
    Sélection au Festival de Hof (Allemagne)
    Sélection officielle Festival d'Amiens
    Sélection Festival de Rotterdam
    Sélection compétitive du Festival de Pau (Prix Pyrénée, meilleure actrice)
    Sélection au Festival de Göteborg (Suède)
    Sélection au Festival de Palm Springs

Vendu aux États-Unis, au Japon, en Espagne, en Corée et en Russie.

 

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