Trois hommes à la dérive
À l'origine d'un cri
Publié le 20 septembre 2010En s'inspirant en grande partie de sa propre vie, le réalisateur Robin Aubert a mis en scène la dérive de trois hommes cherchant chacun à surmonter un deuil dans À l'origine d'un cri.
Un veuf porté sur la bouteille et incapable d'accepter la mort récente de sa conjointe (Michel Barrette) en déterre le cadavre et s'enfuit de motel en motel, laissant derrière lui deux enfants en bas âge.
La famille implore son fils Hugo, issu d'un précédent mariage (Patrick Hivon), de partir à sa recherche en compagnie de son grand-père (Jean Lapointe), un homme de la vieille école à la réplique cinglante.
Hugo recèle une immense rage en lui, qu'il évacue à travers l'alcool, la violence et les conquêtes d'un soir. Une agression sexuelle, finement relatée en début de film dans une scène perturbante, pourrait-elle en être la cause ?
Même si plusieurs éléments du scénario sont tout ce qu'il y a de plus fictifs, la base d'À l'origine d'un cri est autobiographique, raconte Robin Aubert, révélant du même souffle avoir été abusé dans sa jeunesse.
«En faisant le film, dit-il, je voulais savoir d'où venait ma rage. Pourquoi, quand je prends un verre, je veux me battre ? Pourquoi je veux fourrer des filles que je ne connais pas ? Ça vient de plein d'affaires. J'ai vécu un divorce. Un moment donné, cet événement m'est revenu. Et je me suis dit, allons voir.»
PLUSIEURS DEUILS
Le thème central de son film est le deuil. Mais pas forcément uniquement celui de l'homme qui vient de voir mourir sa bien-aimée.
«C'est le deuil de plusieurs choses : le deuil de l'amour de sa vie, le deuil d'accepter qui on est, de quelle famille on vient, le deuil de l'enfance brisée, le deuil d'un meilleur ami qui meurt, qui est le grand-père. Les trois personnages portent un deuil en eux», confie Aubert, qui ne croit pas avoir créé un film «sombre» malgré tout.
«Mon film, je le vois vrai. Tu ne te trompes pas, quand tu écris avec le coeur. Je ne dis pas qu'il n'y a pas de défauts. Peut-être que je ne rafistole pas tous les coins ronds. Mais je suis comme ça. Chez les artistes que j'admire, j'aime les défauts qui sortent. Je sens qu'ils ont mis leur âme dans leur oeuvre. Je sens leur signature.»
LES ACTEURS PARFAITS
À l'origine d'un cri doit beaucoup à un trio d'acteurs qui habitent merveilleusement leur personnage.
«Michel avait une énergie qui ressemblait à celle de mon père. C'est pour ça que je l'ai pris. À l'audition, il m'a renversé. La même affaire pour Jean Lapointe et Pat Hivon. Dans son cas, je sens vraiment la rencontre d'un acteur avec un personnage. Ç'a été le timing parfait. Même affaire avec Louise Latraverse (qui joue le rôle de la mère d'Hugo).»
«Ils sont allés tellement loin dans le personnage que je ne vois plus le personnage, s'enthousiasme Aubert. C'est rare et c'est ce qui me rend le plus heureux, dans ce film. Peut-être que je prêche pour ma paroisse, mais je ne crois pas qu'on a vu Michel Barrette aussi émouvant que dans ce film. Même Jean Lapointe me l'a dit. Depuis qu'il a fait Les ordres, avec Michel Brault, il n'avait jamais autant ressenti un personnage.»
À l'origine d'un cri sort en salle le 24 septembre. Il est distribué par TVA Films et a été sélectionné par les festivals d'Halifax, de Corée et de Paris, après celui de Toronto, où son passage fut très remarqué.