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Une année rêvée
Denis Villeneuve
Publié le 1 janvier 2011 «Juste le fait que, pour la première fois de ma vie, j'aie attendu la conférence de presse des Golden Globes parce qu'on m'a dit que j'avais des chances, c'est incroyable ! Parfois, je rentre à la maison et je me gifle deux fois en me disant : wake up ! Tout ça me rend de bonne humeur.»
Denis Villeneuve n'est pas du genre à crier sa joie sur tous les toits. Posé, affable en entrevue, le cinéaste québécois joue invariablement la carte de la prudence et de la modestie quand on lui fait part du succès que remporte son film Incendies à travers le monde et des rumeurs de candidature aux Oscars qui circulent à vitesse grand V.
N'empêche, on ne peut empêcher le coeur d'un cinéaste d'avoir les plus folles espérances, surtout quand la planète cinéma au complet chante vos louanges. Donc, oui, quand il a été ignoré par les Golden Globes, il a été déçu. Et oui, si une candidature aux Oscars lui échappe, il sera déçu.
Mais il n'a pas aussitôt terminé de prononcer le mot «déçu» que son proverbial sens du relatif reprend le dessus.
«J'étais avec mon producteur Luc Déry, le jour de la conférence des Golden Globes, quand il a reçu un coup de fil d'un dirigeant de Sony Pictures Classics, qui disait qu'ils étaient déçus parce qu'ils s'étaient fait dire que le film allait probablement être sélectionné, mais que ça ne voulait rien dire pour la suite des choses (NDLR: la suite des choses signifie les Oscars). Quand il a raccroché, j'ai dit à Luc: "Je ne peux pas croire que nous sommes en train de discuter avec le boss de Sony sur le fait que nous sommes déçus de ne pas être aux Golden Globes. Quand même!" C'est du bonheur, un jeu. Fondamentalement, je n'en reviens pas que nous ayons ce genre de discussion.»
Qu'Incendies soit ou non sélectionné aux Oscars ne changera rien à l'année de rêve que vient de vivre Villeneuve. Ignoré par les sélectionneurs de Cannes, au printemps, Incendies s'est drôlement repris dans les festivals de Venise, Telluride et Toronto.
L'accueil y a été tel que le film a attiré l'attention des distributeurs de dizaines de pays, qui se sont précipités pour en acquérir les droits. Aux États-Unis, Sony Pictures Classics gouvernera une sortie en salles le 1er avril prochain.
«Un des gros prix que j'ai reçu cette année, c'est que des distributeurs de cinéma d'auteur international de gros calibre comme Lucky Red, en Italie, Alta, en Espagne, ou Sony Pictures Classics, aux États-Unis, prennent le film et investissent dedans», dit Villeneuve, qui avoue qu'il ne s'attendait pas à une telle réaction.
«Que le film soit vendu dans autant de pays, que ce ne soit pas des ventes DVD, mais pour les cinémas par des distributeurs importants, c'est la première fois que ça m'arrive et ça me touche profondément.»
ÉTOURDI PAR LES QUÉBÉCOIS
S'il est comblé que son film voyage autant à l'étranger, Denis Villeneuve exulte devant l'accueil enthousiaste que lui ont réservé les Québécois.
Un box-office de 2,5 millions de dollars, ce n'est pas commun pour un film d'auteur. «C'est gigantesque! Le mot d'ordre pour nous était: si jamais on dépasse le million, ce sera la grosse fête. Moi, ce n'est pas le rapport à l'argent comme la quantité de gens qui vont voir le film. Si tu fais 400 000 $ un week-end, ça veut dire qu'il y a 40 000 personnes qui ont pris leur voiture et sont allés acheter un billet. C'est beaucoup quand tu y penses. Ça m'étourdit.»
«En plus, c'est un box-office qui n'a pas été acheté, mais qui s'est fait par le bouche-à-oreille. Nous avions un budget publicitaire très modeste. Et ce bouche-à-oreille est dû aux idées de Wajdi.»
HOMMAGE À WAJDI
Car Denis Villeneuve ne manque jamais une occasion de rendre hommage à Wajdi Mouawad, l'auteur de la pièce de théâtre dont Incendies est l'adaptation sur grand écran.
«Je rends toujours à César ce qui appartient à César. Je sais que c'est à cause des idées de Wajdi. Il a écrit une pièce de théâtre absolument extraordinaire. Je reviens toujours à ça, mais c'est important, c'est la vérité. Les idées de Wajdi Mouawad sont d'une très grande force. Son texte a une force poétique, c'est un visionnaire. Moi, j'étais un traducteur, j'ai eu la chance de travailler là-dessus. Un des objectifs du film était de partager cette histoire avec un public différent. Que le film ait été vu comme ça, au Québec, a été un énorme cadeau.»
La hâte de replonger
Entre Maëlstrom et Polytechnique, huit longues années s'étaient écoulées. Le successeur d'Incendies ne mettra pas autant de temps à voir le jour.
«Contrairement à mes autres projets, là, j'ai très hâte de replonger. J'ai beaucoup appris en faisant Polytechnique et Incendies, deux films que je considère avoir fait dans un processus d'apprentissage. J'ai très hâte de mettre en pratique ce que j'ai appris en mise en scène et en réflexion sur le cinéma dans mes prochains projets. J'ai l'impression et je souhaite que mes prochains films soient plus matures et solides.»
On s'étonne d'entendre le réalisateur d'un film aussi puissant qu'Incendies souhaiter davantage de maturité et de solidité dans son travail. Denis Villeneuve affirme pourtant avoir décelé des défauts dans Incendies et que ceux-ci le guideront lors de son prochain tournage.
«Il faut que je reparte de l'émotion que j'ai ressentie en voyant le film, de ce que je vois à améliorer, les défauts, les lacunes, les frustrations que j'ai vécues en le faisant. Il ne faut pas que je parte de ce que cela a provoqué comme remous. Les compliments et tout le reste, ça n'aide pas à faire un prochain film. Ça donne confiance, mais l'important, c'est de repartir de son regard critique à soi », dit le cinéaste, qui ne dirait pas non à une nouvelle adaptation.
«Je suis conscient que je partais des idées de quelqu'un d'autre. Ça serait mon plus grand bonheur de faire la même chose pour mon prochain film, de travailler avec Wajdi ou de travailler avec quelqu'un de sa trempe. Ce serait un grand privilège, car j'ai beaucoup de choses à apprendre en écriture. Ce fut un grand bonheur de travailler sur Incendies et j'en vis encore le deuil.»
EN ANGLAIS?
Quant à savoir ce que sera ce prochain film, le réalisateur garde le secret. Trop tôt pour en discuter, tranche-t-il.
«Je serai en écriture pour une grosse partie de 2011 sur deux projets personnels dont je ne peux pas parler actuellement parce qu'ils sont trop embryonnaires. Je vais déposer (aux institutions financières) bientôt», dit-il, tout en révélant qu'il avait entre les mains un projet de scénario à l'étranger.
«C'est aussi embryonnaire, mais j'ai accepté un projet extérieur, en anglais, dont je ne peux parler, mais qui va probablement se tourner à la fin de 2011. J'aimerais ça tourner un film en anglais une fois. Je trouve intéressant de travailler avec une autre culture.»
Denis Villeneuve n'est pas du genre à crier sa joie sur tous les toits. Posé, affable en entrevue, le cinéaste québécois joue invariablement la carte de la prudence et de la modestie quand on lui fait part du succès que remporte son film Incendies à travers le monde et des rumeurs de candidature aux Oscars qui circulent à vitesse grand V.
N'empêche, on ne peut empêcher le coeur d'un cinéaste d'avoir les plus folles espérances, surtout quand la planète cinéma au complet chante vos louanges. Donc, oui, quand il a été ignoré par les Golden Globes, il a été déçu. Et oui, si une candidature aux Oscars lui échappe, il sera déçu.
Mais il n'a pas aussitôt terminé de prononcer le mot «déçu» que son proverbial sens du relatif reprend le dessus.
«J'étais avec mon producteur Luc Déry, le jour de la conférence des Golden Globes, quand il a reçu un coup de fil d'un dirigeant de Sony Pictures Classics, qui disait qu'ils étaient déçus parce qu'ils s'étaient fait dire que le film allait probablement être sélectionné, mais que ça ne voulait rien dire pour la suite des choses (NDLR: la suite des choses signifie les Oscars). Quand il a raccroché, j'ai dit à Luc: "Je ne peux pas croire que nous sommes en train de discuter avec le boss de Sony sur le fait que nous sommes déçus de ne pas être aux Golden Globes. Quand même!" C'est du bonheur, un jeu. Fondamentalement, je n'en reviens pas que nous ayons ce genre de discussion.»
Qu'Incendies soit ou non sélectionné aux Oscars ne changera rien à l'année de rêve que vient de vivre Villeneuve. Ignoré par les sélectionneurs de Cannes, au printemps, Incendies s'est drôlement repris dans les festivals de Venise, Telluride et Toronto.
L'accueil y a été tel que le film a attiré l'attention des distributeurs de dizaines de pays, qui se sont précipités pour en acquérir les droits. Aux États-Unis, Sony Pictures Classics gouvernera une sortie en salles le 1er avril prochain.
«Un des gros prix que j'ai reçu cette année, c'est que des distributeurs de cinéma d'auteur international de gros calibre comme Lucky Red, en Italie, Alta, en Espagne, ou Sony Pictures Classics, aux États-Unis, prennent le film et investissent dedans», dit Villeneuve, qui avoue qu'il ne s'attendait pas à une telle réaction.
«Que le film soit vendu dans autant de pays, que ce ne soit pas des ventes DVD, mais pour les cinémas par des distributeurs importants, c'est la première fois que ça m'arrive et ça me touche profondément.»
ÉTOURDI PAR LES QUÉBÉCOIS
S'il est comblé que son film voyage autant à l'étranger, Denis Villeneuve exulte devant l'accueil enthousiaste que lui ont réservé les Québécois.
Un box-office de 2,5 millions de dollars, ce n'est pas commun pour un film d'auteur. «C'est gigantesque! Le mot d'ordre pour nous était: si jamais on dépasse le million, ce sera la grosse fête. Moi, ce n'est pas le rapport à l'argent comme la quantité de gens qui vont voir le film. Si tu fais 400 000 $ un week-end, ça veut dire qu'il y a 40 000 personnes qui ont pris leur voiture et sont allés acheter un billet. C'est beaucoup quand tu y penses. Ça m'étourdit.»
«En plus, c'est un box-office qui n'a pas été acheté, mais qui s'est fait par le bouche-à-oreille. Nous avions un budget publicitaire très modeste. Et ce bouche-à-oreille est dû aux idées de Wajdi.»
HOMMAGE À WAJDI
Car Denis Villeneuve ne manque jamais une occasion de rendre hommage à Wajdi Mouawad, l'auteur de la pièce de théâtre dont Incendies est l'adaptation sur grand écran.
«Je rends toujours à César ce qui appartient à César. Je sais que c'est à cause des idées de Wajdi. Il a écrit une pièce de théâtre absolument extraordinaire. Je reviens toujours à ça, mais c'est important, c'est la vérité. Les idées de Wajdi Mouawad sont d'une très grande force. Son texte a une force poétique, c'est un visionnaire. Moi, j'étais un traducteur, j'ai eu la chance de travailler là-dessus. Un des objectifs du film était de partager cette histoire avec un public différent. Que le film ait été vu comme ça, au Québec, a été un énorme cadeau.»
La hâte de replonger
Entre Maëlstrom et Polytechnique, huit longues années s'étaient écoulées. Le successeur d'Incendies ne mettra pas autant de temps à voir le jour.
«Contrairement à mes autres projets, là, j'ai très hâte de replonger. J'ai beaucoup appris en faisant Polytechnique et Incendies, deux films que je considère avoir fait dans un processus d'apprentissage. J'ai très hâte de mettre en pratique ce que j'ai appris en mise en scène et en réflexion sur le cinéma dans mes prochains projets. J'ai l'impression et je souhaite que mes prochains films soient plus matures et solides.»
On s'étonne d'entendre le réalisateur d'un film aussi puissant qu'Incendies souhaiter davantage de maturité et de solidité dans son travail. Denis Villeneuve affirme pourtant avoir décelé des défauts dans Incendies et que ceux-ci le guideront lors de son prochain tournage.
«Il faut que je reparte de l'émotion que j'ai ressentie en voyant le film, de ce que je vois à améliorer, les défauts, les lacunes, les frustrations que j'ai vécues en le faisant. Il ne faut pas que je parte de ce que cela a provoqué comme remous. Les compliments et tout le reste, ça n'aide pas à faire un prochain film. Ça donne confiance, mais l'important, c'est de repartir de son regard critique à soi », dit le cinéaste, qui ne dirait pas non à une nouvelle adaptation.
«Je suis conscient que je partais des idées de quelqu'un d'autre. Ça serait mon plus grand bonheur de faire la même chose pour mon prochain film, de travailler avec Wajdi ou de travailler avec quelqu'un de sa trempe. Ce serait un grand privilège, car j'ai beaucoup de choses à apprendre en écriture. Ce fut un grand bonheur de travailler sur Incendies et j'en vis encore le deuil.»
EN ANGLAIS?
Quant à savoir ce que sera ce prochain film, le réalisateur garde le secret. Trop tôt pour en discuter, tranche-t-il.
«Je serai en écriture pour une grosse partie de 2011 sur deux projets personnels dont je ne peux pas parler actuellement parce qu'ils sont trop embryonnaires. Je vais déposer (aux institutions financières) bientôt», dit-il, tout en révélant qu'il avait entre les mains un projet de scénario à l'étranger.
«C'est aussi embryonnaire, mais j'ai accepté un projet extérieur, en anglais, dont je ne peux parler, mais qui va probablement se tourner à la fin de 2011. J'aimerais ça tourner un film en anglais une fois. Je trouve intéressant de travailler avec une autre culture.»